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La Dame de bienfaisance
JEAN-BAPTISTE GREUZE (1725, Tournus-1805, Paris)
L'esquisse La Dame de bienfaisance a été réalisée par Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) afin de préparer la peinture à l'huile éponyme conservée au musée des Beaux-Arts de Lyon (inv. B 576). Cette œuvre participe au nouvel élan donné par l’artiste tournusien à la peinture de genre grâce à l'ajout d'une forte dimension moralisante qui devient sa signature.
Détails
Artiste | JEAN-BAPTISTE GREUZE (1725, Tournus-1805, Paris) |
---|---|
Titre | La Dame de bienfaisance |
Date | Vers 1772 |
Domaine | Arts graphiques |
Technique | Lavis gris |
Dimensions | H. 0.23 m - L. 0.3 m - |
Numéro d'inventaire | 243 CH |
Sujet / Thème | Charité, bienfaisance, homme, femme, enfant, chambre, lit, argent |
Un dessin préparatoire qui s'inscrit dans un long processus créatif
Dans l'intimité d'une chambre, un vieil homme est allongé dans un lit à l'aspect misérable. A ses côtés, sa femme, également malade, se redresse et joint les mains en prière à l'arrivée des visiteurs. Au pied de la couche se tient en effet une jeune femme d'allure noble, accompagnée de sa fille. Elle pousse gentiment cette dernière dans le dos et tend le bras vers le vieil homme. Dans un geste hésitant, l'enfant l'imite. Derrière elle, une religieuse reste en retrait dans l'encadrement de la porte qui laisse entrevoir une enfilade de pièces peuplées de figures. Enfin, un jeune garçon se tient appuyé sur la tête de lit. La présence des courtines blanches relevées, d'une table pliante pour seul mobilier et de la religieuse laisse à penser que la scène se déroule dans un hôtel-Dieu. Avec ce dessin préparatoire, Greuze cherche à établir la composition d'ensemble. Il pose le décor et les figures mais s'attarde peu sur les visages qui sont à peine croqués. En revanche, il travaille déjà sur la gestuelle et les attitudes de chacun des protagonistes en présence. En 1772, l'artiste fait graver une étude préparatoire de son tableau par Jean Massard (1740-1822). Bien qu'elle soit proche de l'esquisse conservée au musée des Beaux-Arts d'Agen, elle n'en est pas pour autant une copie fidèle. L'image inversée présente ainsi davantage de mobilier que l'esquisse ne laissait paraître. Les pièces en enfilade et la foule en arrière-plan ont disparu au profit d'une porte close qui renforce la dimension intimiste de la scène. On retrouve cependant les mêmes figures qui ont conservé leur place dans la composition ainsi que leur gestuelle. Plus proche du projet définitif que de l'esquisse, cette gravure a pu être réalisée afin de trouver un commanditaire pour la peinture à l'huile. D'autres esquisses furent réalisées en amont, notamment une à l'encre brune au pinceau et lavis gris et brun, vers 1772-1775, conservée au Paul Getty Museum de Los Angeles (inv. 2002.21). Les détails de cette composition d'ensemble sont plus travaillés, l'épée et la bourse de l’œuvre finale sont déjà présentes mais on retrouve la table pliante de la première esquisse et la porte ouverte sur une seconde salle peuplée. La réalisation de l’œuvre finale a été longue et jalonnée d'études préparatoires qui comprennent également des études de visages isolés. Ainsi, le musée Fabre de Montpellier conserve une huile sur toile, Le Buste du paralytique (1772-1775, inv. 837.1.34), montrant l'une des figures principales de La Dame de charité. De même, le Paul Getty Museum de Los Angeles possède un dessin exécuté à la sanguine, Etude pour la tête d'une vieille femme (vers 1772-1775, inv. 84.GB.73) qui représente l'épouse du malade. L'artiste a finement détaillé toute l'émotion qui pénètre les traits de la vieille femme, attachant une attention particulière aux rides du front. Les lèvres entrouvertes, le regard pénétrant et les mains jointes sont renforcés par le contraste créé avec la casquette et les vêtements, à peine esquissés.
De la charité à la bienfaisance
Si la date la date exacte de réalisation de l’œuvre définitive conservée au musée des Beaux-Arts de Lyon (inv. B 576) est inconnue, il semblerait qu'elle ait été terminée en 1775. Cette épreuve finale est, elle aussi, gravée par Massard en 1778. Si l'on retrouve les mêmes figures dans des postures identiques, le cadre a évolué. La pièce qui s'apparentait dans l'esquisse à l'intérieur d'un hôtel-Dieu a davantage l'apparence d'un appartement. Le mobilier est plus fourni bien qu'il reste strictement nécessaire et fonctionnel, signe de la pauvreté du malade. Sont ainsi ajoutés une chaise, où s'entassent quelques vêtements, et un poêlon tandis qu'une table couverte d'une nappe remplace la table pliante. Une épée, placée au-dessus du lit, renseigne sur la fonction de militaire du malade et le place donc parmi les nobles. Dès lors, l'acte de charité envisagé dans l'esquisse se métamorphose en acte de bienfaisance. Ceci explique peut-être la disparition du contexte religieux primitivement choisi pour situer la scène. En effet, les encyclopédistes contemporains de Greuze marquaient une distinction entre ces deux actes. La charité était envisagée comme une notion chrétienne, renforcée par la présence de la sœur à l'arrière-plan tandis que la bienfaisance était considérée comme un élan d'humanité, un geste de générosité enthousiaste vers un semblable. Autre détail significatif : la petite fille tient dans sa main une bourse qu'elle tend timidement aux malades, alors que dans l'esquisse, conservée au musée des Beaux-Arts d'Agen, sa main s’avère vide. Il semblerait donc que la notion de charité, conférée par le don gratuit, ne soit arrivée qu'après coup. Avec l'ajout de la bourse, la peinture acquiert une nouvelle thématique, celle de l'éducation morale d'une fille par sa mère. Cette œuvre s'inscrit donc dans le genre du prêche pictural, dont le diptyque de La Malédiction paternelle, le fils ingrat et le fils puni (1777, Musée du Louvre, inv. 5038 et 5039) marque l'apogée. En s'inspirant du Testament d'Eudamidas (Copenhague, Statens Museum for Kunst, inv. KMS 3889) de Nicolas Poussin (1594-1665), qu'il a pu voir à Paris avant 1759 ou connaître à travers la gravure de Jean Pesme (1623-1700), pour la composition de La Dame de bienfaisance, Greuze contribue à élever la peinture de genre au rang de la peinture d'histoire. Outre la variété des expressions, la rhétorique gestuelle appuyée et la disposition des figures en frise, Greuze travaille, à l'instar des peintres d'histoire, sur le format et sur la lumière pour sublimer son sujet. Il fait d'ailleurs grande impression sur le public et voit sa peinture La Dame de bienfaisance gravée par Jean Michel Moreau (1741-1814).
Un peintre de scène de genre et de prêche picturale
Fils d'architecte, Jean-Baptiste Greuze reçoit sa première éducation artistique de Charles Grandon (1691-1762), peintre lyonnais qui le soutient et l'accompagne dans sa vocation. En 1750, il s’installe à Paris où il devient élève de Charles Joseph Natoire (1700-1777) à l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il rencontre un premier grand succès en 1755 avec son œuvre La lecture de la Bible (musée du Louvre, inv. RF 2016-3), qui lui vaut la place de membre associé de l'Académie. Après avoir parfait son éducation artistique à Rome entre 1755 et 1757, Jean-Baptiste Greuze suscite l'engouement du public et de la critique du Salon de 1761 avec son Accordée de village (musée du Louvre, inv. 5037). Cependant, lorsqu'il propose au Salon de 1769 une première peinture d'histoire intitulée Septime Sévère reprochant à Caracalla, son fils, d’avoir voulu l’assassiner (musée du Louvre, inv. 5031), la critique virulente lui reproche, entre autres, la trivialité de ses figures. Greuze revient alors aux scènes de la vie contemporaine fortement empreintes d'une dimension moralisante qui ont fait sa renommée grâce aux critiques de Denis Diderot (1713-1784).
Provenance
Collection du comte Damaze de Chaudordy, Agen (antichambre, 1er étage) ; legs du comte de Chaudordy au musée des Beaux-Arts, Agen, 1899 ; entrée au musée des Beaux-Arts, Agen, 1900
Expositions
- De Watteau à David. Peintures et dessins des musées de province français, palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 26 septembre-30 novembre 1975, n° 109
- Greuze et Diderot : vie familiale et éducation dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, musée Bargoin, Clermont-Ferrand, 6 novembre 1984-6 janvier 1985, n° 79
- Largesse, musée du Louvre, Paris, 20 janvier-18 avril 1994, n° 68
Localisation de l'oeuvre dans le musée
En réserve
[Oeuvre signée en bas à droite J. B. Greuze]
Mathilde Descamps Duval
Dernière mise à jour : 16 sept. 2020