Marine, le calme

Détails

Les « riens éternels, le ciel, l’eau, les bois, le spectacle du monde »

En 1868, sur les conseils de son ami Ferdinand Martin, Boudin revient aux marines, à ce qu’il nomme « ces riens éternels, le ciel, l’eau, les bois, le spectacle du monde » (lettre à son frère, Louis Boudin, 13 janvier 1866). Marine, le calme brosse ainsi la vue d’une mer d’où jaillissent les rochers. A l’horizon, quelques voiliers se découpent, seules accroches colorées perdues dans l’immensité grise du ciel reflété par la mer. Les couleurs pures, zébrées et virevoltantes fixent les insaisissables mouvements de l’eau et les subtilités fugaces des variations atmosphériques. Une composition très similaire, bien qu’inversée, est adoptée pour un autre tableau : Marée basse, Saint-Vaast-la-Hougue, 1892 (collection Pérez Simón, Mexico, inv. 10396). Le motif de la balise, commun à ces deux œuvres, et le chromatisme clair et lumineux, empêchent de situer précisément le lieu représenté, qui demeure néanmoins identifiable. Eugène Boudin a laissé près d’une trentaine de vues de Saint-Vaast-la-Hougue, dans le Cotentin.

Boudin, peintre du fugitif

L’approche picturale à l’œuvre dans cette vue est très éloignée des goûts de l’époque et des règles classiques : Boudin ne renonce pas en effet à composer ses tableaux à partir d’éléments extrêmement inconsistants, voire évanescents, comme pour sa série de peintures de la plage de Trouville. Boudin invente un genre de marine qui lui est propre : peindre une plage peuplée d’une foule de bourgeois en toilette, profitant du tourisme balnéaire facilité par l’arrivée du chemin de fer. Dès lors, Boudin se fait peintre du fugitif, de l’éphémère, parvenant à figer dans sa peinture des instants précis. La matérialité de la peinture résulte de la spontanéité du traitement de la toile pour Boudin, « Tout ce qui est peint directement, sur le motif, a toujours une force, un pouvoir, une touche vivante que l'on perd dans l'atelier. La première impression est la bonne. Il faut s'y attacher et refuser d'en bouger ».

La nature comme sujet de prédilection

Eugène-Louis Boudin, né dans une famille modeste de marins, grandit au Havre et fonde en 1844 une papeterie-encadreur où il expose les œuvres d’artistes de passage. Il rencontre ainsi quelques peintres de renom comme Jean-François Millet (1814-1875) qui l’éveille à l’art et l’enjoint à s’adonner à la pratique artistique. Dès lors, Eugène-Louis Boudin, réel autodidacte, apprend à peindre puis perfectionne son style en copiant les grands maîtres hollandais et vénitiens. Toutefois, il s’affranchit très vite de la peinture académique à laquelle il préfère celle de plein air et le travail sur le motif. S’inspirant de l’Ecole de Barbizon, il fait de la nature son sujet de prédilection, en particulier les côtes normandes, qui deviennent et demeurent sa principale source d’inspiration malgré ses nombreux voyages. Précurseur de l’impressionnisme, il confère à la lumière un rôle majeur et structurant dans ses œuvres. En 1861, il est surnommé le « roi des ciels » par Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875).

Provenance

Collection du Dr Louis et de Mme Brocq, Paris, avant 1928 ; legs du Dr Louis Brocq au musée des Beaux-Arts, Agen, 1928

Expositions

Eugene Boudin : Prelúdio do impressionismo, Museu Nacional de Belas Artes, Rio de Janeiro, 11 juin-6 août 1996

^{Attention, le contenu de cette notice ne reflète pas nécessairement le dernier état des connaissances.}

[Oeuvre signée et datée en bas à gauche]

Mathilde Descamps Duval

Localisation

1er étage

Dernière mise à jour : 09 janv. 2025