©Alban Gilbert
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Portrait de Madame Du Barry en Flore

FRANÇOIS-HUBERT DROUAIS (Paris, 1727-1775)

Peintre attitré de Madame Du Barry, François-Hubert Drouais, dit « Drouais le fils » (1727-1775), la représente à de multiples reprises. Le portrait en Flore peint par cet artiste en vue du Salon de 1773 plut tant à la favorite qu’elle lui en commanda plusieurs versions. L’une d’entre elles, destinée à son ami le duc d’Aiguillon et déposée de nos jours au musée des Beaux-Arts d’Agen, est longtemps demeurée la seule encore connue, avant l’achat par le château de Versailles d’un autre exemplaire.

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste FRANÇOIS-HUBERT DROUAIS (Paris, 1727-1775)
Titre Portrait de Madame Du Barry en Flore
Date 1773-1774
Domaine Peinture
Technique Huile sur toile
Dimensions H. 0.73 m - L. 0.59 m -
Numéro d'inventaire 1 Ai
Sujet / Thème Portrait, Madame Du Barry, divinité, Flore, fleurs

Le portrait d’une favorite

Représentée sous les traits de la déesse Flore, divinité des fleurs et du printemps, Madame Du Barry repose sur une nuée et tient délicatement une guirlande de fleurs. Sa fine chemise bleue tombe sensuellement, découvrant sa nuque et son épaule. Une couronne de fleurs retient ses cheveux qui cascadent librement dans son dos et sur son épaule droite. Les joues un peu rosées, elle regarde le spectateur avec douceur. Trois rangs de perles ornent chacun de ses poignets, conférant finesse et préciosité à l'ensemble. Avec ce portrait, François-Hubert Drouais idéalise tant la beauté que la jeunesse de la favorite. Les joues sont rehaussées de rose et les courbes ainsi que le modelé rejeté sur les extérieurs, renforcent le sentiment de douceur et de délicatesse qui émanent de l’œuvre et du modèle.

Madame du Barry, née Marie Jeanne Bécu (1743-1793), d’origine populaire, a connu une ascension fulgurante en tant que favorite du roi Louis XV (1710-1774). Celle qui fut vendeuse dans une boutique de mode, est remarquée par Jean Du Barry, roué notoire, qui devient son proxénète et la présente à des hommes proches du pouvoir, tel le maréchal de Richelieu. Lors d'une rencontre avec le roi, celui-ci est séduit par sa beauté et sa sensualité et décide d'en faire sa nouvelle favorite. Afin d'être introduite à la cour de Versailles, elle est mariée à la hâte à Guillaume Du Barry, comte toulousain et frère de Jean, en septembre 1768. En décembre de cette même année, elle commande son premier portrait à François-Hubert Drouais. Au début des années 1760, l'artiste est déjà introduit à Versailles et connu de la cour pour ses portraits des filles de Louis XV, tel que celui de Sophie-Philippine de France (1763, musée des châteaux de Versailles et Trianon, inv. MV 3810). Il est également l’auteur de l’effigie de la marquise de Pompadour, Madame de Pompadour à son métier à broder (1763-1764, The National Gallery, Londres, inv. NG 6440), ancienne favorite du roi, ce qui a pu influencer Madame Du Barry dans son choix.

Un thème plusieurs fois revisité

Dans les « Mémoires des ouvrages de peinture commandés par Madame la Comtesse du Barry, à Drouais, peintre du Roy, premier peintre de Monsieur, et à son épouse, à commencer en décembre 1768 », François-Hubert Drouais consigne toutes les œuvres commandées par la Comtesse. Au total, cinq portraits sont réalisés entre 1768 et 1773, chacun possédant une ou plusieurs répliques. Le premier portrait, Jeanne Bécu, comtesse Du Barry, en Flore, dont une réplique est conservée au château de Versailles (inv. V.2011.19), est prévu pour le Salon de 1769 afin d'officialiser le statut de la favorite. Il est accompagné d'un pendant présentant la comtesse en habit de chasse. Si ce second tableau est aujourd'hui disparu, une gravure de Jacques-Firmin Beauvarlet, Madame la comtesse Du Barry (musée des châteaux de de Versailles et Trianon, inv. Grav. LP 70.72.1), nous est toutefois parvenue.  Jeanne Bécu, comtesse Du Barry, en Flore (1769) présente donc la favorite en buste, dans un format ovale. Vêtue d'une robe légère, elle porte une guirlande de fleurs en écharpe. D'autres fleurs ornent délicatement ses cheveux dénoués et bouclés qui cascadent sur ses épaules. Ce thème mythologique est ensuite traité à nouveau par l'artiste dans un troisième portrait réalisé en 1770. Une réplique d'atelier conservée au musée du Prado à Madrid (Madame Du Barry, inv. Poo2468) montre, dans un format ovale, la Comtesse en Flore. Vêtue d'une fine chemise blanche, elle tient entre ses mains une couronne de fleurs tandis que ses cheveux sont piqués de roses. Sa posture, moins rigide que dans la première version, laisse apparaître une épaule dénudée. Enfin, dans son dernier portrait de Madame Du Barry, François-Hubert Drouais la représente à nouveau en Flore. Réalisé pour le Salon de 1773, cette ultime version gagne les faveurs de la Comtesse qui commande cinq répliques autographes pour les offrir à ses proches. La réplique conservée au musée des Beaux-Arts d'Agen a ainsi été offerte par Madame Du Barry à Emmanuel Armand de Vignerot du Plessis, duc d’Aiguillon (1720-1788), ministre de la guerre et des affaires étrangères de Louis XV. Parmi les cinq répliques, elle est la seule identifiée aujourd'hui. Les quatre autres ont été offertes au maréchal de Soubise, à Françoise-Claire, vicomtesse Du Barry, au prince Christian IV des Deux-Ponts, et à Anne Bécu de Montrabé, mère de la comtesse Du Barry. En 2015, les collections du château de Versailles et Trianon se sont enrichies d’un exemplaire, peut-être l’œuvre princeps, de Madame Du Barry en Flore de 1773 (inv. V.2015.55). Si l’œuvre est très similaire à celle du musée des Beaux-Arts d'Agen, tant dans la posture que dans le tombé du drapé et des cheveux, quelques variations sont toutefois visibles. Un ruban vient remplacer les roses piquées dans les cheveux et deux grains de beauté diminuent l'idéalisation du modèle. Longtemps demeurée le seul exemplaire connu, le portrait de la collection du duc d’Aiguillon est devenu ainsi la version historique, maintes fois reproduite dans les biographies de la Comtesse car soulignant l’image que la maîtresse a voulu véhiculer toute sa vie et laisser à la postérité.

L'art du portrait au XVIIIe siècle et François-Hubert Drouais

Le XVIIIe siècle fait la part belle au portrait où trois types majeurs coexistent, le portrait officiel ou d’apparat, le portrait psychologique et sensible, le portrait allégorique, mythologique ou « bucolique ». Ce dernier s’attache à représenter les modèles sous des travestissements inspirés des pastorales ou de la mythologie galante. Ces thèmes servent souvent de prétexte à un érotisme latent qui reste toujours élégant. Cette toile s'inscrit donc dans cette tradition. La Comtesse est représentée en Flore, une des plus puissantes divinités agraires du panthéon romain, célébrée afin qu’elle favorise la floraison et les futures récoltes. Le goût pour la mythologie galante est caractéristique du XVIIIe siècle. Nombre de dame en vue, aristocrates mais aussi grandes bourgeoises, se font portraiturées sous les traits de déesses de l’Olympe ou de figures mythologiques associées à la beauté, à la jeunesse ou à l’amour. La plus grande partie de l’œuvre de François-Hubert Drouais (1737-1775) se situe ainsi dans ce genre, en continuité des portraits mythologiques à succès de Jean-Marc Nattier (1685-1766).

Né à Paris en 1727, François-Hubert Drouais est le fils de Hubert Drouais (1699-1767), peintre également et son premier professeur. Il reçoit ensuite les enseignements de Donat Nonnotte (1708-1785), Carle Van Loo (1705-1765), Charles-Joseph Natoire (1700-1777) et François Boucher (1703-1770) avant de devenir membre de l'Académie royale en 1758 sur présentation d'un portrait de Guillaume II Coustou (1716-1777) (musée des châteaux de Versailles et Trianon, inv. MV 5809) et d'un portrait de Edme Bouchardon (1698-1762) (musée Carnavalet, Paris, inv. P1966). Très rapidement appelé à Versailles où il portraiture les membres de la famille royale et leurs éminents invités, il est considéré comme une figure dominante de l'art du portrait à la fin du règne de Louis XV.

Provenance

Cadeau de la comtesse du Barry au duc Emmanuel-Armand d’Aiguillon, 1774 ; collection du duc Emmanuel-Armand d’Aiguillon, château d’Aiguillon (bibliothèque), 1788 ; collection du duc Armand-Désiré d’Aiguillon, château d’Aiguillon (bibliothèque), 1788-1792 ; saisie révolutionnaire, 1792 ; Museum de l’Ecole Centrale, ancien évêché, Agen, 1796-1803 ; Légion d’Honneur, ancien évêché, Agen, 1803-1810 ; Préfecture de Lot-et-Garonne, 1810-1905 ; dépôt de la Préfecture de Lot-et-Garonne au musée des Beaux-Arts, Agen, 1905 ; classement au titre des Monuments Historiques, 1918

Expositions

  • Versailles et l'Antique, château de Versailles, Versailles, 13 novembre 2012-17 mars 2013, n° 204
  • Madame du Barry. De Versailles à Louveciennes, Musée-promenade, Marly-le-Roi-Louveciennes, 21 mars-29 juin 1992, n° 83
  • Deux siècles d’Histoire de France (1589-1789). Centenaire du musée de Versailles (1837-1937), château de Versailles, Versailles, juin-octobre 1937, n° 192
  • Concours régional agricole de 1879. Exposition des Beaux-Arts, Halle, Agen, 1879, n° 58
  • Concours régional de 1863. Exposition de peinture, d’objets d’art et d’antiquités, Halle, Agen, 1863, n° 114 (cat. p. 2)

En vidéo

Localisation

1er étage

Dernière mise à jour : 29 janv. 2024

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