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Vases Saïgon : Les Limbes et les Syrènes (1888) / Le Masque (vers 1888-1891)
AUGUSTE RODIN (Paris, 1840-Meudon, 1917)
Si la renommée d’Auguste Rodin (1840-1917) repose sur la modernité de ses sculptures, le critique d’art Roger Marx (1859-1913) souligne son travail dans le domaine des arts du feu dans l’ouvrage Auguste Rodin céramiste en 1907. Dès janvier 1905, il écrit à l’artiste : « Après avoir défini de mon mieux votre œuvre de dessinateur et de graveur, j’aimerais aujourd’hui rappeler que dans la Céramique aussi votre génie sut faire œuvre valable ». Le travail de Rodin pour la manufacture de Sèvres, dont témoignent les deux vases d’édition déposés au musée d’Agen, s’inscrit dans le principe de décloisonnement des arts plastiques, liés par la pratique du dessin. Les motifs, médités, sont couchés sur le papier et passent ensuite d’une technique à l’autre.
Détails
Artiste | AUGUSTE RODIN (Paris, 1840-Meudon, 1917) |
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Titre | Vases Saïgon : Les Limbes et les Syrènes (1888) / Le Masque (vers 1888-1891) |
Date | 1888-1891 |
Domaine | Non renseignée |
Technique | Porcelaine dure nouvelle |
Dimensions | H. 0.24 m - L. 0.13 m - |
Numéro d'inventaire | D.1903.1.58 ; D.1903.1.10 |
Sujet / Thème | Porcelaine, Sèvres, Enfer |
Rodin, collaborateur occasionnel de la manufacture de Sèvres
La forme, simple et élégante des deux vases, est baptisée Saïgon depuis son invention par Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887), chef des travaux d’art de la manufacture de Sèvres en 1876, en référence à l’inspiration des productions céramiques extrême-orientales. Ce goût, accentué par l’emploi de la couleur céladon – très appréciée par les Européens depuis la Renaissance –, participe d’un regain d’intérêt pour les cultures chinoise et japonaise après le Second Empire. Les vases comportent des grappes d’hommes et de femmes s’enlaçant, se repoussant ou s’empoignant, disposés sans ordre ni registre structurel à la surface de leur panse. Ce décor donne son nom à l’un d’eux, Les Limbes et les Syrènes, tandis que le second est désigné par le masque androgyne inquiétant, presque spectral, qui en constitue le motif le plus surprenant, Le Masque. Ces deux vases s’inscrivent dans le travail collaboratif d’Auguste Rodin (1840-1917) et de la manufacture de Sèvres, débuté en 1879 après son travail en Belgique et son séjour italien. Après un passage à la manufacture anglaise de Minton, Albert-Ernest Carrier-Belleuse est alors chargé de redynamiser l’institution dont il a pris la direction artistique. Fondée en 1740, la manufacture, confrontée à la concurrence étrangère, connaît alors un déclin. Il privilégie un renouvellement des formes et des motifs et, d’autre part, fait appel à de jeunes artistes prometteurs, dont son ancien élève, Rodin, avec qui il s’est pourtant brouillé quelques années plus tôt.
Un travail contemporain de l’œuvre de sa vie, la Porte de l’Enfer
L’artiste, dessinateur et modeleur aguerri, se lance aussitôt, au contact de Taxile Doat (1851-1939), son compagnon d’atelier, dans la réalisation de pièces de formes décorées de sujets en relief rendus par une pâte liquide posée au pinceau. Sa démarche de création de motifs en volume traduit ses préoccupations de rendre la sensualité des corps et de parvenir à un effet presque sculptural des surfaces. Le seau de Pompéi La Nuit illustre le brio de l’utilisation de cette technique raffinée (musée Rodin, Paris, inv. S.2416). Auguste Rodin abandonne en 1887 cette technique pour se concentrer sur la création de modèles pour des vases d’édition. Il fournit alors des dessins préparatoires ou des vases en plâtre gravés qui servent ensuite de matrices pour la création de céramiques par des praticiens, tel Jules Desbois (1851-1935). Sa correspondance avec le nouvel administrateur, Théodore Deck (1823-1891), permet de suivre les étapes de réalisation des modèles dont le décor est inspiré de la grande œuvre de l’artiste, la Porte de l’Enfer (1880-1917), en perpétuelle gestation depuis la commande d’un modèle pour l’entrée du futur musée des Arts Décoratifs par Edmond Turquet, sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts. L’artiste, alors dépité par une série de vexations remettant en cause ses dernières créations, tel L’Âge d’airain (1877), accusé d’avoir été moulé sur nature, voit dans cette commande l’opportunité de déployer ses talents et d’affirmer ses compétences et convictions artistiques dénigrées. La confection lente et méditée de cet objet sculptural devient peu à peu l’œuvre maîtresse de l’artiste, support de son imagination foisonnante et répertoire de motifs pour tout le reste de sa carrière. Les figures de damnés et d’amants des linteaux de la Porte constituent ainsi des sources d’inspiration pour les autres sculptures de l’artiste, dessinées et modelées dans la terre par le créateur-démiurge et sculptées ou fondues par ses nombreux praticiens. Ces groupes de personnages, inspirés de La Divine Comédie de Dante, irriguent toute sa production et, notamment, ses créations pour la manufacture de Sèvres à tel point que l’artiste s’en excuse auprès de Théodore Deck en mars 1888 : « Le sujet que j’ai donné est un peu copié d’un bas-relief de ma porte, mais celui que je vais faire en sera tout à fait libre ».
Une production inspirée de la Porte de l’Enfer
La manufacture commande trois vases d’édition à la fin 1887 ou au début 1888 pour figurer à la prochaine Exposition Universelle de 1889. Contrairement aux vases décorés dans la période précédente, les vases d’édition ne sont jamais travaillés directement par Rodin qui fournit à l’établissement des vases ornés de bas-reliefs, sans doute en plâtre. Ces derniers sont vraisemblablement moulés dans les ateliers pour permettre ensuite l’exécution de plusieurs exemplaires. Le vase Les Limbes et les Syrènes, dont le titre est mentionné par le critique Roger Marx, est le premier modèle donné par Rodin à la Manufacture. Il utilise toute la surface de la panse pour créer son décor composé de figures de la mythologie, représentées en très faible relief et semblant sortir de la surface du vase. La plupart des personnages sont des citations des reliefs de la Porte de l’Enfer, comme un des groupes du piédroit de gauche, formé d’une vieille femme de profil, en position instable, quasi-assise, d’une jeune femme devant elle, vue de dos, ramenant son bras gauche sur son visage, et d’un enfant de face au-dessus de la composition. Ces trois âmes se retrouvent sur un essai d’émaillage (musée d’Art et d’Histoire, Meudon, inv. 1974-1-235). Le musée Rodin à Paris possède un autre exemplaire de ce vase (S.2415, édition de 1937). Sur l’autre vase céladon, le nom Le Masque est emprunté au visage en lévitation sur une de ses faces, lui-même dérivé d’une sculpture très appréciée par Rodin, La Pleureuse. Ce motif est d’abord créé pour orner le centre de deux bas-reliefs dans la partie inférieure des vantaux de la Porte de l’Enfer (1884-85, plâtres conservés au musée Rodin, Paris, inv. S.66 et S.67) avant d’être supprimé. Cependant, Rodin demeure attaché à ce visage au point de créer des sculptures autonomes (comme la version en marbre taillée par François Pompon, 1893, musée Rodin, Paris, inv. S.1132). L’un des bas-reliefs comporte aussi un centaure, créature infernale torturant les damnés dans la Divine Comédie, enlevant deux nymphes. Rodin réutilise aussi ce groupe pour orner la panse du vase Le Masque. La pâte, à peine incisée, traduit le style graphique et nerveux des nombreux dessins, gravures ou encore des illustrations, réalisés par l’artiste. L’une des plus célèbres de ces illustrations n’est autre que celle des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. Il écrit dans ses carnets que son art ne peut exister sans dessin : « C’est bien simple les dessins sont la clef de mon œuvre. Ma sculpture n’est que du dessin sous toutes les dimensions ».
Provenance
Collection de la manufacture nationale de Sèvres, 1903 ; dépôt de la Manufacture nationale de Sèvres au musée des Beaux-Arts, Agen, 1903
Expositions
L’Enfer selon Rodin, musée Rodin, Paris, 18 octobre 2016-22 janvier 2017, nos 123 et 124
Corps et décors : Rodin et les arts décoratifs, Musée Rodin, Paris, 16 avril-22 août 2010
Corps et décors : Rodin et les arts décoratifs, Palais Lumière, Évian-les-Bains, 13 juin-20 septembre 2009, nos 59 et 60
Dimensions
Les Limbes et les Syrènes, H. : 0,245 ; L. : 0,13 m
Le Masque, H. : 0,255 ; L. 0,13 m
Attention, le contenu de cette notice ne reflète pas nécessairement le dernier état des connaissances.
Localisation
1er étage
Dernière mise à jour : 09 janv. 2025