Saint Benoît de Palerme
©Musée des Beaux-Arts d'Agen
Saint Benoît de Palerme
©Musée des Beaux-Arts d'Agen
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Saint Benoît de Palerme

ALONSO CANO (Grenade, 1601-1667), Attribué à

Dans l’Espagne du XVIIe siècle, l’art de la Contre-Réforme se caractérise par l’apparition d’une iconographie nouvelle qui introduit une mutation profonde dans la sculpture. C’est dans les images sacrées et dans la rhétorique que l’Église trouve le moyen de susciter et de maintenir la foi religieuse parmi ses fidèles. La traduction de cette volonté de l’Église s’exprime à travers cette représentation de saint Benoît de Palerme, attribuée au peintre, sculpteur et architecte espagnol Alonso Cano, surnommé « le Michel Ange espagnol ».

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste ALONSO CANO (Grenade, 1601-1667), Attribué à
Titre Saint Benoît de Palerme
Date Milieu du XVIIe siècle
Domaine Sculpture
Technique Polychromie sur bois
Dimensions H. 0.63 m - L. 0.32 m -
Numéro d'inventaire 131 CH
Sujet / Thème Religion, saint, noir

Le sacré rendu réel : une tradition de la statuaire espagnole du Siglo de Oro

Saint Benoît se tient debout, vêtu de la robe de bure des frères mendiants, ceinturée d’une cordelière de chanvre au naturel, dont l’artiste souligne les détails. Saisi sur l’instant, souriant, empreint d’allégresse et de ferveur, saint Benoît, légèrement tourné vers le spectateur prêche la parole divine. De sa main droite il brandit avec vigueur un probable crucifix, aujourd’hui disparu, alors que dans sa main gauche, lacunaire, il tenait peut-être l’autre attribut traditionnel, le cœur avec sept gouttes de sang, symboles des sept vertus.

La peau d’ébène du saint fait écho à la noirceur de son passé d’esclave tandis que son regard aux yeux ardents plonge aux tréfonds de l’âme des fidèles, détournés de la foi chrétienne, qu’il tente de faire revenir dans le giron de l’église catholique. Sur ses lèvres entrouvertes, laissant apparaître des dents à l’ivoire éclatant de blancheur, se dessinent les mots de la parole divine.

Cette représentation de saint Benoît de Palerme se situe dans la tradition de la statuaire espagnole au XVIIe siècle. Il s’agit d’approcher au plus près le réel afin de susciter émotion et ferveur religieuse chez les fidèles. Une volonté née du rôle de défenseur de la Contre-Réforme que s’est attribué l’Église espagnole du XVIIe siècle en conflit ouvert avec les thèses protestantistes.

Le matériau privilégié est essentiellement le bois, plus malléable et adapté à un rendu réaliste. Les traditions de la sculpture espagnole, associées à des techniques nouvelles, parviennent à un niveau de réalisme poussé à l’extrême (utilisation d’éléments, tels perruques, dents en ivoire, traitement réaliste de la peau et des tissus). Un traitement qui est le fruit de l’association des deux guildes que sont la guilde des sculpteurs et la guilde des peintres. La réalisation de la sculpture en bois étant confiée au sculpteur tandis que le travail d’encarnación, (donner vie) est laissé au peintre utilisant les techniques du polimento (brillant) ou du mate (mat) pour une représentation, au plus près du réel.

Bien qu’ayant reçu une formation tant de peintre que de sculpteur, ce n’est qu’à la fin de sa carrière que l’artiste sculpte et peint ses propres sculptures.

Cette œuvre a pu faire partie d'un retable comme nombre de ces sculptures polychromes du siècle d'or espagnol. Il existe une autre version, non attribuée, de saint Benoît de Palerme, dans le même style, mais grandeur nature, provenant du couvent de San Diego, au Musée national de Escultura de Valladolid.

Saint Benoît de Palerme, l’affranchi

Fils d'esclaves africains de Sicile, Benoît de Palerme (1524-1589) – dit le Maure pour sa couleur de peau – est affranchi à la naissance. Élevé dans la foi catholique par ses parents, fervents chrétiens, il devient ermite à l’âge de 20 ans avant d’entrer dans l’ordre des Franciscains. C’est au couvent Santa Maria di Gesù, près de Palerme, qu’il finit sa vie en 1589. La Sicile tout entière voue alors un culte à Benoît le Maure, très respecté par le petit peuple pour son humilité et pour les divers miracles qu’il aurait accomplis. En 1602, il est fait saint patron de Palerme. Il sera béatifié plus d’un siècle plus tard, en 1743, puis canonisé en 1807. Pourtant, au XVIIe siècle, ce saint si populaire tombe dans l’oubli. Le culte de saint Benoît de Palerme est délaissé, renvoyant au chapitre peu glorieux de l’esclavage et des colonies que tente de faire oublier la Sicile, l’île ayant été un important centre de production sucrière.

Une carrière entre art et religion

Dans la lignée des grands artistes de la Renaissance, l'Espagnol Alonso Cano est peintre mais aussi architecte et sculpteur. C’est au sein de son foyer qu’il découvre l’art, aux côtés de son père qui dessine et sculpte des retables ainsi que du mobilier d’église. Après un déménagement à Séville, Alonso Cano intègre à l’âge de quinze ans l’atelier de Francisco Pacheco (1564-1644), également fréquenté par Diego Velázquez (1599-1660). Très tôt, l’artiste éprouve une grande fascination pour la beauté des corps humains, les courbes et la représentation du mouvement. En 1638, Cano rejoint la cour sur invitation du comte-duc d’Olivares, premier ministre de Philippe IV désireux de mettre en avant les artistes en provenance de sa ville natale, Séville. Pendant son séjour à Madrid, Alonso Cano participe également aux travaux de décoration du Palais du Buen Retiro et de l’Alcázar. En 1644, l’artiste est contraint de quitter la capitale suite à l’assassinat de son épouse, dont il est accusé à tort. S’il parvient à prouver son innocence, il s’éloigne pendant quelques mois avant de regagner Madrid où son art connaît, au fil des années, une évolution : il abandonne les compositions monumentales  pour des créations plus élégantes, dynamiques et baroques. Il emploie également dans ses œuvres des couleurs plus transparentes, des tons plus clairs. En 1651, la vie de l’artiste prend un nouveau tournant. Il décide de retourner à Grenade pour entrer dans les ordres. Dans l’attente de sa nomination, Alonso Cano réalise plusieurs projets de sculptures polychromes pour la cathédrale et d’autres églises, couvents et monastères de la ville. En 1652, il devient chanoine de la cathédrale de Grenade pour laquelle il réalise une série de peintures sur la vie de la Vierge. Quelques mois avant sa mort, l’artiste est nommé grand maître d’œuvre pour le projet de façade de la cathédrale, qu’il ne peut mener à son terme. Les œuvres sculptées d’Alonso Cano, proches de celles de ses contemporains sont difficiles à identifier. Leur connaissance reste à ce jour très partielle.

Avec son ami le peintre Velázquez, Alonso Cano est aujourd’hui considéré comme l’un des artistes majeurs du XVIIe siècle espagnol.

Provenance

Collection du comte Damaze de Chaudordy, Agen (grande galerie), 1899 ; legs du comte de Chaudordy au musée des Beaux-Arts, Agen, 1899 ; entrée au musée des Beaux-Arts, Agen, 1900

[Œuvre actuellement en restauration]

Localisation

1er étage

Dernière mise à jour : 03 août 2022

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