Le rhinocéros
©Alban Gilbert
Le rhinocéros
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Le rhinocéros

ALBRECHT DÜRER (Nuremberg, 1471-1528)

Le dessinateur, peintre et graveur allemand Albrecht Dürer (1471-1528) a été l’un des personnages les plus influents dans l'histoire de l'art du monde occidental. Ses voyages à travers l'Europe (en Italie, en France ou encore aux Pays-Bas) ont contribué à diffuser son art, en particulier ses nombreuses gravures sur cuivre ou sur bois. Premier théoricien de l’art dans les pays du Nord, Dürer y introduit la Renaissance au moment même où la Réforme connaît ses prémices dans les milieux humanistes allemands. Le rhinocéros, gravure sur bois qu’il réalise en 1515, connaît un succès fulgurant et sera copié à de multiples reprises. La gravure conservée à Agen fut donnée au musée par le baron de Langsdorff, ancien officier de marine et propriétaire du château de Fumel, en 1883.

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste ALBRECHT DÜRER (Nuremberg, 1471-1528)
Titre Le rhinocéros
Date 1515
Domaine Arts graphiques
Technique Gravure sur bois
Dimensions H. 0.21 m - L. 0.3 m -
Numéro d'inventaire 2GR
Sujet / Thème Animal, rhinocéros

Une gravure inspirée d’un cadeau royal

Le 20 mai 1515, un rhinocéros indien unicorne envoyé comme cadeau diplomatique au roi Manuel Ier par le sultan de Cambay Muzaffar débarque d’un navire portugais à Lisbonne. La nouvelle de son arrivée se répand partout en Europe. En Allemagne, une lettre dans laquelle l’imprimeur Valentin Ferdinand décrit le rhinocéros est envoyée à la guilde des marchands de Nuremberg. L’artiste allemand Albrecht Dürer s’en inspire très largement. Il réalise dans un premier temps des dessins à l’encre et à la plume accompagnés d’une légende reprenant en partie la description de Ferdinand et comportant une erreur sur la date : 1513 au lieu de 1515. Dürer y propose une interprétation irréaliste du modèle. Outre la corne qui caractérise le rhinocéros indien, l’artiste ajoute sur le dos de l’animal une autre saillie osseuse ressemblant à une corne de licorne. Sa peau est recouverte de plaques évoquant la carapace d’un crustacé tandis que des écailles, ressemblant à celles des reptiles, habillent ses pattes. L’artiste dote enfin son rhinocéros d’une queue d’éléphant. Pour permettre la reproduction de son dessin à la plume, Dürer réalise rapidement une gravure qu’il intitule 1515 RHINOCERVS et grave de son monogramme habituel : « A.D ». La technique de la gravure sur bois ne permettant pas de tracer des lignes aussi fines qu’à la plume, les plaques qui recouvrent la peau de l’animal ressemblent davantage à une armure métallique. Exécutée à l’aide d’un burin, d’une gouge ou de ciseaux dans le même sens que les fibres de l’arbre, la gravure sur bois est le procédé le plus ancien. Après passage de l’encre, au rouleau ou au tampon, sur les reliefs, l’impression est opérée à la main ou grâce à une presse mécanique.  Comme le dessin, la gravure à l’origine de celle conservée à Agen – qui, elle, n’est pas légendée – est accompagnée d’un texte inspiré du récit de Valentin Ferdinand. Il comporte toutefois quelques différences et se trouve, cette fois, placé sous l’image. Le rhinocéros est dépeint dans ce texte comme une bête héroïque, éventrant les autres animaux à l’aide de sa corne. Le modèle à l’origine de cette gravure mourra pourtant noyé lors de son transport vers le pape Léon X, à qui il a été offert comme cadeau.

Le succès du rhinocéros de Dürer

Malgré des inexactitudes, notamment dans l’aspect de la peau qui semble recouverte d’une armure, cette gravure sur bois réalisée à partir d’une simple description du rhinocéros devient très populaire en Europe, où elle est copiée à de multiples reprises. Au moins neuf éditions différentes existent. Au début du XVIIe siècle, la planche se trouve aux Pays-Bas, où l’éditeur amstellodamois Willem Janssen, désireux de donner plus de force à l’animal représenté, fait graver un bois de teinte. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le rhinocéros de Dürer sert de modèle partout en Europe. En 1551, il illustre même le premier ouvrage de zoologie moderne, Historiae animalium, de Conrad Gessner.

Dürer, premier grand artiste germanique

Albrecht Dürer naît à Nuremberg, ville allemande où graveurs, imprimeurs, horlogers et orfèvres prospèrent et acquièrent une renommée européenne. Il est lui-même issu d’une famille d’orfèvres et a pour parrain Anton Koberger, premier éditeur allemand de l’époque. Entré en apprentissage chez Michael Wolgemut – alors peintre le plus connu de la ville – à l’âge de quinze ans, il se fait remarquer en réalisant un austère portrait de son père, en 1490 (Galerie des offices, Florence, inv. 1086). Mais c’est en tant que graveur qu’il connaîtra ses plus grands succès. Après trois années d’apprentissage, il entreprend un premier voyage en Europe du Nord, de 1490 à 1494. A Colmar, il cherche à se rapprocher du peintre et graveur allemand Martin Schongauer (1450-1491), mais celui-ci décède en 1491. C’est donc auprès de ses frères que Dürer perfectionne sa technique de graveur sur cuivre. A Bâle, où il séjourne ensuite, Dürer débute son activité de graveur avant de partir pour l’Italie en 1494. A Venise, il cherche à vendre ses estampes au sein de la colonie allemande de marchands qui s’y est installée. Il découvre l’Antiquité et l’art du quattrocento. De retour à Nuremberg, Dürer devient un artiste prolifique. Il réalise sa série sur l’Apocalypse, qui  constitue l’œuvre gravée majeure de l’époque puisqu’il s’agit du premier livre conçu et publié par un artiste. Après un second voyage à Venise au cours duquel il se consacre entièrement à la peinture, entre 1505 et 1507, Dürer revient à Nuremberg où il renoue avec la gravure qu’il considère comme une « hygiène », un retour à l’essentiel par le dessin. Lors d’un dernier séjour en Flandres, en 1520, il rencontre les partisans de la Réforme parmi lesquels l’humaniste Erasme. De retour en Allemagne, l’artiste met finalement de côté son activité créatrice, éprouvé par les troubles religieux qui agitent alors le pays. A la fin de sa vie, il se consacre à ses recherches théoriques sur l’art, la perspective ou encore les proportions du corps humain. Il publie l’Instruction sur la manière de mesurer (1525), un Traité sur la fortification des villes (1527) et un Traité sur les proportions du corps humain (1528).

Provenance

Collection du baron de Langsdorff, avant 1883 ; don du baron de Langsdorff au musée des Beaux-Arts, Agen 1883 ; entrée au musée des Beaux-Arts, Agen 1883

Expositions

Animal, Musée des Beaux-Arts, Pau, 17 mai-17 août 2014

Attention, le contenu de cette notice ne reflète pas nécessairement le dernier état des connaissances.

[Oeuvre monogrammée et datée en haut à droite : A.D. / 1515]

Dernière mise à jour : 09 janv. 2025

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