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Crosseron à l’Annonciation
ANONYME
La découverte de ce crosseron dans un tombeau d’évêque d’Agen en 1883 constitue un événement de tout premier plan pour l’histoire de la ville tant les destructions au cours des différents conflits et périodes iconoclastes (Guerre de Cent Ans, guerres de Religion, Révolution française) ont laissé peu de témoignages des trésors d’orfèvrerie médiévale dans l’Agenais. Rejoignant dans les collections du musée d’Agen un premier crosseron collecté en 1836 à un emplacement proche, sa réalisation s’inscrit dans l’importante production de crosses par les ateliers limousins au milieu du XIIIe siècle.
Détails
Artiste | ANONYME |
---|---|
Titre | Crosseron à l’Annonciation |
Date | Vers 1240-1260 |
Domaine | Objets d'art |
Technique | Cuivre embouti, gravé, ciselé et doré |
Dimensions | L. 0.15 m - |
Numéro d'inventaire | LA 582 |
Sujet / Thème | Religion, Annonciation, Vierge, Gabriel |
Un travail caractéristique des productions limousines
Le crosseron constitue la partie supérieure de la crosse, bâton pastoral devenu un insigne du pouvoir terrestre des évêques et des abbés et abbesses. La hampe, sans doute réalisée dans un matériau organique, a disparu. En cuivre doré, non émaillé, contrairement au crosseron plus ancien retrouvé dans un autre tombeau d’évêque d’Agen, l’œuvre « est formée d’une volute végétale qui s’épanouit en fruit grenu. La douille flanquée de trois serpents présente le même décor gravé encadrant un perlé que la volute. Sous une collerette de feuilles dentelées, le nœud ajouré à frise de dragons entrelacés est fréquent sur les crosses limousines. Au centre de la volute se font face les figures en pied de l’Annonciation, Marie et de l’archange Gabriel muni d’un sceptre fleurdelisé » (Christine Descatoire in Agen médiéval, p.39, 2018). Cette scène est devenue très populaire dans les ateliers limousins. L’étude de Jean-Joseph Marquet de Vasselot sur les crosses limousines, parue en 1941, précise même que l’Annonciation est le deuxième thème le plus traité après saint Michel terrassant le dragon, avec trente-neuf exemplaires répertoriés. Un groupe de dix-neuf crosserons, dont celui du musée d’Agen, s’en détache par ses figures dépouillées et le recours minimal à des accessoires. Cette série met l’accent sur l’attitude dansante de l’archange, le pied posé sur une branche et le doigt effleurant le lys de son sceptre, comme sur les crosserons, également dépourvus de décor émaillé, du Walters Art Museum de Baltimore (inv. 44.21), de Saint-Bertrand-de-Comminges (retrouvé dans le tombeau de l’évêque Bertrand de Miremont, 1263-1286) ou celui du musée du Louvre, daté du second quart du XIIIe siècle et probablement découvert à Saint-Augustin-lès-Limoges (inv. MRR 811). Ces éléments formels et stylistiques autorisent à resserrer la date de création du crosseron d’Agen à la période 1240-1260.
Une iconographie éculée
La représentation de serpents que l’on retrouve sur ce crosseron est très courante dans la production de crosses limousines. Leur signification renvoie au rôle de l’évêque. En effet, le serpent ou dragon est, dans la tradition chrétienne, associé au mal contre lequel l’évêque se bat pour protéger ses fidèles par le prêche et l’enseignement des saintes écritures. L’utilisation du reptile comme symbole du mal se retrouve aussi sur le second crosseron conservé au musée des Beaux-Arts d’Agen (inv. LA 582 bis).
Quant à la scène de l’Annonciation, qui représente au cœur de la volute le moment où la Vierge accepte en son sein l’incarnation de Dieu – c’est-à-dire Jésus Christ –, elle est étrangement illustrée par très peu d’accessoires. Le mystère de cet épisode théophanique peut être signifié par la présence du Saint-Esprit symbolisé par une colombe, par exemple. Ici, le seul accessoire est le bâton des messagers orné de fleurs de lys que tient l’archange Gabriel. Ce signe atteste que l’archange porte le message divin tandis que le lys, souvent présent dans les scènes d’Annonciation, représente la pureté et la virginité de Marie.
La difficile identification du défunt évêque
Les circonstances de la découverte en 1883 sont racontées deux ans plus tard par Georges Tholin dans le Bulletin monumental. Le crosseron a été retrouvé dans un tombeau bâti en grandes briques construit à proximité des fondations de l’ancien autel. Il était alors accompagné d’une sandale et de quelques lambeaux d’étoffe, détruits au contact de l’air, d’un lingot de plomb placé près de la tête du défunt et d’un anneau en or, dégarni de son chaton, malheureusement aujourd’hui non localisé. Le prestige du lieu d’inhumation, allié au matériel retrouvé, constitue la preuve irréfutable du statut du défunt, évêque d’Agen, sans pouvoir être plus précis sur son identité. Après les hypothèses développées par l’abbé Marboutin dans son étude publiée dans La Revue de l’Agenais en 1905, l’étude stylistique du crosseron a permis, en affinant sa datation, de proposer, sans certitude, trois noms par Christine Descatoire, conservatrice en chef au musée de Cluny, à Paris : Arnaud de Galard, établi sur le siège épiscopal entre 1235 et 1245, Pierre II de Reims (1248), ou Guillaume II, patriarche de Jérusalem, évêque de 1248 à 1263.
Provenance
Découvert dans un tombeau d’évêque lors des fouilles précédant la construction du marché d’Agen à l’emplacement de l’ancienne cathédrale Saint-Etienne, 1883 ; dépôt au musée des Beaux-Arts, Agen, 1883
Expositions
- Agen médiéval, de la cité des martyrs à la république communale, Espace-église des Jacobins, Agen, 7 juillet-18 novembre 2018, n° 22b
- Art sacré en agenais, musée des Beaux-Arts, Agen, 1959, n° 60
- L’Exposition Rétrospective de l'Art Français des origines à 1800, Exposition Universelle de 1900, Paris, 1900, n° 2568
Localisation
Rez-de-chaussée
Dernière mise à jour : 18 janv. 2021