Musiciens à la campagne, étude
©ADAGP Paris, 1948 / photo : Alban Gilbert
Musiciens à la campagne, étude
©ADAGP Paris, 1948 / photo : Alban Gilbert
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Musiciens à la campagne, étude

RAOUL DUFY (Le Havre, 1877-Forcalquier, 1953)

Artiste prolifique (peintre, graveur, illustrateur…), Raoul Dufy (1877-1953) a marqué l’art moderne par un style audacieux, immédiatement identifiable, dissociant la couleur du dessin. D’abord impressionniste, puis fauve et cubiste, il entreprend des recherches sur la couleur et la lumière. Parmi ses œuvres majeures : La Fée électricité (inv. 01454), un immense décor réalisé pour l’Exposition internationale de 1937, aujourd’hui conservé au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Ce tableau du musée d’Agen est une étude pour Musiciens à la campagne, une huile sur panneau de contre-plaqué déposée par le Centre Pompidou (Paris) au musée Hyacinthe-Rigaud de Perpignan (inv. AM 4214 P(31)).

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste RAOUL DUFY (Le Havre, 1877-Forcalquier, 1953)
Titre Musiciens à la campagne, étude
Date 1948
Domaine Peinture
Technique Huile sur carton
Dimensions H. 0.19 m - L. 0.42 m -
Numéro d'inventaire AM 4219 P
Sujet / Thème Musique, campagne, orchestre

La musique, un thème privilégié dans l’œuvre de Dufy

Issu d'une famille de musiciens, musicien lui-même, Dufy tisse des liens privilégiés avec la musique qui lui inspire des compositions s’apparentant à des élégies. Il tente à travers ses œuvres de restituer les timbres des différents instruments, le rythme musical, par des formes ou des couleurs et par le mouvement qu’il donne à ses compositions. A Perpignan, dans les années 1940, Raoul Dufy se rend au théâtre municipal aux côtés de son ami le docteur Pierre Nicolau (qui le soigne pour sa polyarthrite) pour assister à des concerts et poursuivre son travail sur ce thème. En parallèle, il découvre les musiciens jouant en plein air, qui donnent naissance à la série sur les musiciens à la campagne dans laquelle s’inscrit le tableau conservé à Agen. Cette étude pour Musiciens à la campagne est un petit format panoramique représentant un orchestre dans un style enlevé, rythmé ; elle est ponctuée de courbes, d’arabesques et de cernes noirs. Le chef d’orchestre, reconnaissable à sa posture et à son pupitre, se tient au centre du groupe constitué des musiciens qui performent. Il tend son bras gauche et sa baguette vers les violonistes mais aussi en direction de cette ouverture, de cette percée dans le paysage où tombe une averse et signalée d’une touche de couleur jaune qui attire l’œil du spectateur.

Le contrebassiste, les deux joueurs de hautbois, les sept violonistes (le violon est d’ailleurs devenu un thème de prédilection pour bon nombre de ses toiles) et le joueur de grosse caisse dont les visages et les silhouettes sont à peine esquissées se fondent dans le décor. Dufy peint un paysage verdoyant dominé par des verts plus ou moins sombres évoquant la fraîcheur et la richesse de la végétation campagnarde. A l’arrière-plan, à gauche, on distingue un bâtiment à façade blanche orné de nombreuses fenêtres. Derrière les musiciens, une tonnelle et une maison en brique rouge encadrent l’averse sous laquelle un paysage rend compte de la perspective. Plus à droite, un arc-en-ciel semble déjà chasser la pluie et peut être vu comme un drapeau français flottant au vent. Les musiciens de Dufy, la nature qui les entoure, apparaissent en mouvement, comme si l’artiste avait voulu traduire, par la peinture, le rythme du morceau joué par l’orchestre.

Une étude relativement différente de l’œuvre définitive

L’œuvre finale, conservée au musée de Perpignan, semble davantage statique. Au premier plan, un homme et une femme se reposent, assis de part et d'autre d'une table, probablement après le travail aux champs et écoutent, harassés, deux musiciens : l’un joue de la trompette et l’autre du bandonéon, tandis que des travaux de dépiquage sont effectués derrière eux. La scène se situe toujours dans un paysage rural mais la présence de couleurs chaudes sur la gauche du tableau indiquent qu’elle se déroule en été, malgré l’averse toujours présente ici et chassée par l’arc en ciel. En arrière-plan, au loin, on aperçoit un village, bordé par une rivière qu’enjambe un pont à arcades puis des montagnes bleues qui rendent compte de la perspective. Cette partie droite de l’œuvre est traitée dans des tonalités de couleurs froides. L’œuvre du musée Hyacinthe-Rigaud, par ses nombreuses variations, prend donc ses distances par rapport à l’étude réalisée préalablement par Dufy.

Raoul Dufy, un grand coloriste

Natif du Havre, Raoul Dufy peint à ses débuts des paysages maritimes à la manière des impressionnistes. En 1900, il quitte le Havre pour Paris et s’installe à Montmartre, où il rejoint son ami normand Othon Friesz, (1879-1949). Il peint principalement des paysages parisiens, s’intéresse aux effets atmosphériques, avant de se tourner vers le fauvisme et d’expérimenter le cubisme. A partir de 1910, Dufy s’essaie à l’illustration d’art en réalisant des xylogravures pour le Bestiaire ou le Cortège d’Orphée d’Apollinaire, témoignant d’un goût pour l’art populaire. Ce chef-d’œuvre de l’art graphique marque les débuts de l’artiste dans la décoration textile. En 1911, il ouvre avec le couturier Paul Poiret sa propre entreprise de textile. Il crée également des tissus de mode et d’ameublement pour les soyeux lyonnais Bianchini-Férier. Dufy pratique toutes les techniques graphiques – fusain, mine de plomb, gouache, aquarelle… – mais, à partir de 1914, il privilégie l’encre, qu’il expérimente par la gravure, et l’aquarelle. Dans les années 1920, les motifs de jeunesse ressurgissent à travers des paysages de la Côte d’Azur et des vues de Normandie ; des aplats de couleurs se dégagent, distincts du trait qui compose les formes. A la même époque, Dufy s’inscrit dans les pas d’Henri Matisse (1869-1954) et de Pierre Bonnard (1867-1947) en réalisant une série de fenêtres ouvertes sur la Méditerranée. Dans La Fenêtre ouverte à Nice (vers 1929, The Museum of Modern Art, New York, inv. 267.1954), l’artiste abolit la frontière entre les espaces intérieur et extérieur, qui se confondent. Dufy franchit une étape majeure de sa carrière en 1937 en réalisant La Fée Électricité (Musée d’art moderne de la ville de Paris, inv. 01454), qui illustre sa théorie relative à la supériorité de la « couleur-lumière » sur la lumière solaire. Cette œuvre monumentale lui est commandée dans le cadre de l’Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne de 1937 et destinée au décor du Pavillon de l’Electricité et de la lumière alors édifié par Mallet-Stevens sur le Champ-de-Mars. Cette peinture a une visée promotionnelle et illustre le rôle de l’électricité dans la vie nationale. Comme déjà indiqué, Raoul Dufy accordait une place prépondérante à la musique dans son œuvre, ainsi en 1935 puis en 1941, avec sa série des « Grands orchestres » et ses hommages aux grands compositeurs. Il réalisa également des études de musiciens – parmi lesquelles l’œuvre conservée à Agen – et des natures mortes avec instruments. A la fin de sa vie, le peintre renoue avec les paysages marins en faisant des cargos noirs un de ses thèmes récurrents : ce noir intense traduit pour lui l’éblouissement total que produit le soleil à midi. Ainsi, la série sur les cargos consacre l’aboutissement des recherches de l’artiste sur la question de la lumière et de la couleur.

Provenance

Dépôt du Musée National d'Art Moderne/Centre de création industrielle, Centre Pompidou, Paris au musée d’Agen, 1965 ; entrée au musée des Beaux-Arts, Agen 1965

Expositions

Raoul Dufy, Les peintres de la collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Nancy, Musée des Beaux-Arts, 19 janvier-1er avril 2002, p. 126.

Dernière mise à jour : 23 avr. 2021

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