Choupatte
©ADAGP Paris, 1979 / photo : Alban Gilbert
Choupatte
©ADAGP Paris, 1979 / photo : Alban Gilbert
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Choupatte

CLAUDE LALANNE (Paris, 1924-Ury, 2019)

Décliné à de nombreuses reprises, le Choupatte demeure une des œuvres majeures exécutées par Claude Lalanne. L’artiste crée un univers poétique et personnel inspiré de la nature et, plus particulièrement, du végétal, réalisant, grâce à une technique d’électrodéposition, des associations incongrues et surprenantes mais non dénuées d’humour. Acquis en 1985, le Choupatte est aujourd’hui installé au sein de l’univers poétique des dépôts sentimentaux des œuvres gravées et à venir que le couple Lalanne a offert au musée des Beaux-Arts d’Agen en 1982.

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste CLAUDE LALANNE (Paris, 1924-Ury, 2019)
Titre Choupatte
Date 1979
Domaine Objets d'art
Technique Galvanoplastie
Dimensions H. 0.28 m - L. 0.27 m -
Numéro d'inventaire 85.2.3
Sujet / Thème Chou, galvanoplastie, cuivre, nature

La galvanoplastie, une technique complexe sublimée

La galvanoplastie doit son nom au physicien et médecin Luigi Galvani (1737-1798), qui la découvre en 1780. Ce procédé d’électrodéposition consiste en une opération électrochimique permettant de recouvrir d’une couche de métal un objet métallique ou préalablement rendu conducteur. L’objet est immergé dans un bain constitué d’acide sulfurique et de sulfate de cuivre. Les particules de cuivre s’agrègent autour de l’objet par l’action de l’électrolyse.

La complexité de cette technique nécessite une grande dextérité. Claude Lalanne a su maîtriser ce procédé en le perfectionnant d’année en année pour se l’approprier. La pièce, soumise à la galvanisation, disparaît en tant que telle pour resurgir, parée d’une mince couche de cuivre.

Cette nouvelle peau imprime la forme, tout en conservant la nervosité de la matrice, accentuant le côté miraculeux de la métamorphose. La sculptrice peut ensuite apporter sa touche personnelle, ciseler, modeler l’empreinte métallique. Claude Lalanne utilise ce procédé pour mouler tout ce qui l’inspire : les fleurs de son jardin, et surtout les choux, déclinés à maintes reprises.

« […] Tels ces héros légendaires qui transformaient leurs proches en sel, en bois, en onyx ou en or, elle voit tout ce qu’elle touche se transformer en cuivre. […] », raconte son mari.

Le chou, objet emblématique

Selon François-Xavier Lalanne, « La feuille de chou est à Claude ce que la feuille d’acanthe fut à l’art grec ». Cet objet insolite est le fruit de l’assemblage de deux composants prosaïques : des pattes de poulet portant un chou, soumis à l’opération de galvanisation, les transformant en une entité hybride, le Choupatte. Il s’inscrit dans une suite inspirée de L’homme à la tête de chou (1968), l’œuvre originelle qui a donné son nom à un album du chanteur Serge Gainsbourg.  Ce dernier s’identifie à cette sculpture et l’acquiert après l’avoir vue, exposée dans la galerie de Claude Lalanne. En 1969, la sculptrice réalise le pendant féminin de cette œuvre iconique, Caroline enceinte, grâce à différents moulages des parties du corps de sa fille.

Avec Choupatte créé en 1979, le vulgaire légume acquiert ses lettres de noblesse. Il n’est plus seulement un succédané d’une tête, il prend enfin vie : un chou avec des pattes, une chimère moderne, mélange de drôlerie et d’étrangeté. Le Choupatte se décline dans toutes les versions, des plus monumentales aux plus réduites. Un légume qui atteste également que Claude Lalanne s’exprime le mieux dans le domaine des végétaux.

C’est à l’exposition « Zoophites » de la galerie de Jeanine Restany que les premiers choux sur pattes font leur apparition, en 1964. Les œuvres de Claude y côtoient le rhinocéros en laiton de son époux, François-Xavier. Leurs œuvres s’inscrivent dans un « univers où animaux et plantes entrent dans le monde des humains, un monde surréel […] livré au libre cours du rêve et de l’imagination » (Alain Vircondelet, Beaux-Arts, « Le bestiaire amoureux de Claude et de François-Xavier Lalanne », 10 avril 2019). Le couple, à contre-courant des tendances contemporaines, séduit par ses créations les plus grands noms : Rothschild, Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé seront de véritables mécènes de leur art. Aujourd’hui encore, le Choupatte continue de fasciner le public.

Une œuvre dédiée à la nature

Le lien avec la nature est essentiel, voire primordial chez Claude Lalanne. Son atelier n’est autre que son jardin, à Ury (Seine-et-Marne), qu’elle cultive sans relâche, métamorphosant la moindre fleur, la moindre feuille, en objet de parure, bague, bracelet, collier, transformant de simples branchages ou autre feuille de ginko en délicates rampes d’escalier ou dossiers de chaises raffinés. Animaux, fleurs, végétaux sont sublimés sous les doigts de l’artiste qui les utilise sans jamais les contraindre, exprimant à travers eux toute la poésie de sa création.

Claude Dupeux, issue d’une famille d’artistes, suit différents enseignements qui concourent à développer son sens aigu de l’observation et cette acuité visuelle qui lui permettent ensuite de concrétiser les assemblages issus de son imaginaire. Elle prépare l’École des Arts décoratifs avec le peintre Desnoyer puis elle suit les leçons d’architecture de Pierre Vivien (1909-1999) à l’École des Beaux-Arts de Paris. Après avoir fréquenté les cours de dessins à l’Académie libre de la Grande Chaumière, elle apprend l’art du modelage aux côtés du sculpteur Robert Coutin.

C’est lors du premier vernissage du sculpteur François-Xavier Lalanne que Claude Dupeux rencontre l’artiste pour ne plus le quitter. Leur union donnera naissance à une œuvre inclassable, onirique, à deux mains, vouée aux arts-décoratifs mais chacun gardant son identité, son essence propre, son univers : classique et architecturé pour François-Xavier Lalanne, tourné vers le monde animal, onirique et baroque pour Claude Dupeux, devenue Claude Lalanne en 1962.

Par cette technique de l’empreinte, elle partage la même fascination pour la nature que Bernard Palissy (vers 1510-1590) qui, moulant plantes et animaux, crée un bestiaire céramique. L’artiste réinvente, modernise et s’approprie ce procédé, mais avec une approche plus intuitive que les ready-made de Marcel Duchamp (1887-1968).

 « J’emprunte au végétal pour m’inspirer dans mes créations. J’assemble le végétal et le minéral. J’ai un procédé très spécial, je fais de la galvanoplastie : les feuilles que je prends, je les mets dans un bain et le métal se dépose dessus, j’ai donc l’empreinte de la vraie feuille », Claude Lalanne.

Provenance

Achat du musée des Beaux-Arts, Agen, 1985

Expositions

  • Les Lalanne, Paris, musée des Arts décoratifs, 17 mars 2010-4 juillet 2010, p.131
  • Réservé aux enfants : les animaux, Chartres , musée des Beaux-Arts, 25 juin-31 octobre 2005

Localisation

2e étage

Dernière mise à jour : 23 avr. 2021

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