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Le Jugement de Pâris
HANS ROTTENHAMMER (Munich 1564- Augsbourg 1623), attribué à
Le Jugement de Pâris compte parmi les premiers tableaux offerts à la Société Académique d’Agen et figure dans le fonds ancien du musée. Fils du roi de Troie, Priam, et de la reine Hécube, Pâris est exposé à sa naissance sur le mont Ida alors que sa mère, la veille de sa naissance, a reçu en songe un mauvais présage. Il est recueilli par un berger et élevé comme son fils. Un jour qu’il garde ses troupeaux, Vénus, Minerve et Junon, conduites par Mercure, apparaissent à Pâris sur les conseils de Jupiter. A la suite du mariage de Thétis et de Pélée, les déesses demandent au jeune berger de juger leur beauté. Toutes tentent de l’amadouer en lui proposant un cadeau. Pâris choisit de donner la pomme de la Discorde à Vénus, qui lui a promis de lui offrir la plus belle femme du monde, Hélène de Sparte. L’enlèvement de cette dernière est l’événement qui déclenche ensuite la guerre de Troie. Le tableau représente les prémices du drame dans une iconographie originale et un style où transparaissent les diverses influences du peintre.
Détails
Artiste | HANS ROTTENHAMMER (Munich 1564- Augsbourg 1623), attribué à |
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Titre | Le Jugement de Pâris |
Date | Vers 1591-1610 |
Domaine | Non renseignée |
Technique | Huile sur bois |
Dimensions | H. 0.42 m - L. 0.64 m - |
Numéro d'inventaire | 29 P |
Sujet / Thème | Pâris, Vénus, Minerve, Junon, Diane, Mercure, Cupidon, Fleuve, Mythologie, Paysage, Pomme, Maniérisme |
Entre scène mythologique et épisode biblique
L’artiste a placé trois groupes distincts de personnages au sein d’un paysage luxuriant. Au premier plan à droite, la figure masculine, athlétique, est étendue et tient une urne d’où coule de l’eau, attribut iconographique des dieux Fleuves. Derrière lui, sept femmes s’étirent en une arabesque de sorte que les dernières figures, visibles en perspective, semblent s’enfoncer dans la forêt. De dos, portant un casque et une lance, la déesse Minerve converse avec deux autres femmes. Le groupe s’achève par Diane, reconnaissable au croissant de lune à son front. La déesse chasseresse n’est pourtant pas présente durant cet épisode mythologique. A gauche, Junon, accompagnée de son paon, est entourée par deux figures féminines, dont l’une désigne la scène en arrière-plan avec une belle vue en raccourci de son bras. Un faune à l’allure serpentine et tendant une pomme rouge est tapi à l’arrière. La scène principale se joue en arrière-plan au centre du tableau. Assis de profil, le jeune Pâris tend une pomme d’or à Vénus qui offre sa beauté nue à la vue de tous. Le berger a posé au sol, détail anecdotique savoureux, son bâton terminé d’une houlette. La déesse est accompagnée de Cupidon, tandis que Mercure, reconnaissable à son pétase et à son caducée, s’apprête à s’envoler pour annoncer à Jupiter le choix final. Cette scène d’apparence mythologique, organisée telle une représentation théâtrale, s’enrichit d’un second sens de lecture. En effet, la présence de deux pommes, l’une dorée, l’autre rouge, n’est pas anodine. L’artiste opère un syncrétisme entre le Jugement de Pâris et le pêché originel. Le faune se substitue au traditionnel serpent qui pousse Eve à goûter le fruit défendu. Ces deux événements mythologique et religieux sont respectivement à l’origine de drames majeurs : la guerre de Troie et l’expulsion des premiers hommes du Paradis. Le ciel voilé de nuage appuie cette interprétation car il vient conforter l’issue tragique de la scène.
Un maniérisme aux multiples influences
Le tableau est représentatif du maniérisme, courant stylistique qui naît dans l’entourage de Raphaël (1483-1520) et de Michel-Ange (1475-1564) autour de 1520. Le canon des corps très allongés et les mouvements de certaines figures exagérés s’inscrivent dans ce courant raffiné et sophistiqué. De plus, la couleur rouge acide des drapés contraste vivement par rapport au reste de l’œuvre. Les personnages situés à droite sont dotés de corps très musclés, même les femmes, rappellant ainsi l’art de Michel-Ange. Le dieu Fleuve retient en particulier l’attention pour son illusionnisme : l’artiste a joué entre le factice et le naturel avec cette figure dont le corps musculeux et la couleur grisâtre l’apparentent à une statue, tandis que de l’eau coule réellement de l’urne. Le doute demeure quant à sa véritable nature. Au contraire, le groupe de Junon et la figure de Vénus ont des corps volupteux et sensuels. L’œuvre doit également une dette évidente à l’égard de la peinture vénitienne. Mis à part les drapés, l’ensemble de la composition est carcatérisé par une harmonie tonale héritée de la leçon des maîtres vénitiens. L’artiste a regardé en particulier l’œuvre de Véronèse (1528-1588) : en témoignent les coiffures blondes ornées de perles typiques du peintre italien. D’autre part, le traitement de la nature sylvestre avec sa végétation luxuriante inscrit l’œuvre dans la tradition du paysage germanique, dans la continuité d’artistes tels qu’Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538) et Wolf Huber (vers 1485-1553). Le canon des visages des deux compagnes de Minerve comporte des réminiscences de l’art allemand avec leurs joues rondes, leurs petites bouches, leurs yeux en amande et leurs fronts bombés.
Question d’attribution
Lorsque le tableau entra dans les collections de la Société Académique d’Agen, il fut attribué à l’école de Fontainebleau, puis exposé en 1863 sous une attribution à l’école vénitienne. On pourrait, en effet, rapprocher cette œuvre de l’art de Niccolò dell’Abbate (1512-1571), peintre italien qui travailla pour François Ier dans son château de Fontainebleau. L’artiste accorde également une grande importance aux paysages dans lesquels il relègue les scènes mythologiques au secon plan comme pour L’Enlèvement de Proserpine (Louvre, inv. RF 3772). On retrouve aussi la figure du dieu Fleuve au premier plan à droite de la composition d’Orphée et Eurydice (National Gallery, Londres, inv. NG 5283). Néanmoins, le fait de représenter la scène principale, non pas au premier plan mais au fond de la composition, n’est pas l’apanage du modénois. Ce procédé fut utilisé dès les années 1550 par les peintres flamands dans des natures mortes inversées, où des victuailles foisonnent au premier plan, détournant le regard de la scène principale, souvent religieuse, qui se déroule au fond du tableau. En réalité, le Jugement de Pâris se rapproche de l’œuvre du peintre bavarois Hans Rottenhammer qui, après une formation à Munich, s’installa à Venise en 1591, ce qui influença fortement sa manière. Lors d’un voyage à Rome en 1594, il rencontra Jan Bruegel l’Ancien (1568-1625) et entama une collaboration avec son confrère flamand. Ils peignirent plusieurs œuvres à deux mains, Bruegel se chargeant des paysages et Rottenhammer des figures. A son retour d’Italie en 1606, ce dernier travailla notamment pour le roi de Bohême Rodolphe II et participa aux derniers feux du maniérisme à la cour de Prague. Son art mêle goût pour le paysage, compositions savantes en coulisses, érotisme et jeux de références aux grands maîtres classiques. La composition du musée d’Agen, très scolaire, pourrait justifier une datation précoce.
Provenance
Don à la Société Académique, Agen, 1843 ; collections du musée des Beaux-Arts, Agen, 1876.
Expositions
Concours régional de 1863. Exposition de peinture, d’objets d’art et d’antiquités, Halle, Agen, 1863, n°19 (présenté alors comme école vénitienne)
Elodie Russu
Localisation
1er étage
Dernière mise à jour : 07 nov. 2023