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Seau gaulois de l’Ermitage
OPPIDUM DE L'ERMITAGE
Ce très beau seau à têtes animales (félins ou sangliers) a été trouvé en 1994 au fond d’un puits situé sur l’oppidum de l’Ermitage. Son état de conservation exceptionnel résulte de son environnement conservatoire : un milieu humide, privé d’oxygène qui a stabilisé son état d’origine. Sa conservation-restauration fut effectuée à Grenoble au laboratoire ARC-Nucléart spécialisé dans le renforcement des objets en bois grâce à une résine radio-polymérisable. Il est arrivé jusqu’à nous, accompagné d’un seau plus petit (D.2009.1.67), plus simple, sans décor mais avec une anse courte comportant une encoche. Tous deux témoignent aujourd’hui de la vie d’un peuple celte, les Nitiobroges, et on dénombre seulement une quinzaine de seaux de ce type dans toute l’Europe (Allemagne, Angleterre, Luxembourg).
Détails
Artiste | OPPIDUM DE L'ERMITAGE |
---|---|
Titre | Seau gaulois de l’Ermitage |
Date | Fin du IIe siècle-début du Ier siècle avant J.‑C. |
Domaine | Archéologie |
Technique | Assemblage, fonte, bois d’if, bronze, fer |
Dimensions | H. 0.34 m - diam. 0.18 m - |
Numéro d'inventaire | D. 2009.1.8 / MAN. 90 953 |
Sujet / Thème | Oppidum, Ermitage, Gaulois, Celtes, Nitiobroges, puits |
Le « grand seau »
Ce seau droit est composé de huit douelles d’inégales largeurs (pièces de bois qui forment la paroi du seau) en bois d’if et de cinq feuillards lisses en tôle de bronze doré cerclant le bois afin d’assurer le maintien par assemblage côte à côte et l’étanchéité du seau. Des rivets assurent le maintien de l’ensemble. Les attaches en bronze qui se situent de part et d’autre de l’anse en fer sont décorées de deux têtes animales stylisées, assimilées à des félins (le lion symbolise le courage et le pouvoir royal) ou des sangliers (incarnation de la combativité, de l’invincibilité, mais aussi du pouvoir spirituel). Ce détail stylistique et ornemental confère à ce seau sa particularité et cette caractéristique iconographique se retrouve sur le seau de Vieille-Toulouse, conservé au Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse (inv. D 78 3 2), qui se distingue quant à lui par ses feuillards décorés d’une frise de deux rinceaux à enroulements spiralés et repose sur 3 pieds ronds.
La plupart de ces seaux ont été découverts dans un puits rattaché à un contexte funéraire ou rituel et il est probable qu’ils aient eu diverses fonctions et/ou utilisations. Néanmoins, à Agen, aucun ossement humain n’a été découvert au contraire de Toulouse (sauf dans un puits du XIXe siècle dont le contexte de fouille est sujet à caution). Certains ont donc pu être employés dans le cadre d’activités quotidiennes pour puiser l’eau (notons que lors de l’analyse du comblement de ce seau, des restes de cordelettes ont été observés) ou au cours de la toilette ou bien des repas. La consommation de vin était courante lors des banquets : on y utilisait des seaux pour effectuer le mélange avec l'eau et les épices, comme en Grèce ou à Rome pendant l'Antiquité.
L’oppidum de l’Ermitage : un lieu défensif en hauteur ceint d’un rempart pour les Nitiobroges
Ce peuple celte, les Nitiobroges, s’est rassemblé à Agen sur l’oppidum de l’Ermitage (occupation du site fin IIe-début du Ier siècle avant J.-C.). Cet habitat en hauteur sur un plateau de 60 hectares à 164 mètres d’altitude avait un positionnement stratégique avec la présence naturelle de falaises. Les photographies aériennes montrent les traces d’un rempart (au nord) qui faisait 60 mètres de large, 700 mètres de long et un fossé de 14 mètres. Les oppida ont toujours été des centres d’activité marqués par le commerce, l’artisanat et la religion. Agen, positionné sur l’axe de la Garonne et sa vallée, fut un axe commercial majeur entre la Méditerranée et l’Atlantique. La région du sud-ouest fut ouverte à des échanges culturels riches et divers, ce dont témoignent les nombreux vestiges issus de ces puits qui ont survécu. Les IIe et Ier siècle avant J.-C. marquent un moment stratégique qui signe le passage de la protohistoire à l’histoire et la transition de la Gaule celtique à la Gaule romaine. En effet, le contexte historique de ce seau est celui d’une époque marquée par la conquête de Jules César.
Les fouilles programmées de ce site ont révélé une organisation et livré des vestiges archéologiques exceptionnels dont l’étude matérielle offre de nombreux éléments de compréhension. Deux puits ont été fouillés : un premier puits Z1 d’une section carrée de 1 mètre et de 4,25 mètres de profondeur (1990-1991) qui a révélé un dépôt d’objets complets, scellé par des niveaux de rejets contenant de nombreuses amphores. Le second, où le seau a été retrouvé, le puits ST41, avait des dimensions de 2 mètres de côté et était profond de 11 mètres. Il avait un cuvelage en madriers de chêne et, au sommet, une chape d’argile qui servait de foyer (1992-1995).
Les puits… sources sujettes à questionnements : propositions d’interprétation
Des puits funéraires ? Certains recelaient des ossements humains, avec des dépôts intentionnels viatiques, surtout découverts dans le Toulousain. A Agen, les puits fouillés en 1994-1955 n’en comportaient pas, contrairement à un puits découvert à la fin du XIXe siècle et dont le contexte de fouille est sujet à caution ; ils pourraient aussi être des cénotaphes, des sépultures dévolues à la mémoire d’un mort mais qui ne contient pas son corps. Rituels ou à offrandes ? En rapport avec le monde souterrain et ses divinités (rites chtoniens) ou bien, de façon plus pragmatique, des puits à eau ? L’analyse de la microfaune montre qu’ils sont restés ouverts longtemps mais avec des rites propitiatoires lors de leur mise en eau. C’est une question qui reste en suspens et qui évolue au gré de l’avancée des recherches archéologiques.
Concernant le comblement de ces puits, on a retrouvé dans la partie haute de nombreuses amphores et du mobilier en lien direct avec le vin, sa préparation (eau et épices) et son service : vaisselles et objets métalliques (œnochoés, cratères ou chaudrons, situles, passoires…). La consommation du vin a un rôle social important, symbolise la puissance et s’associe au divin. Des lances, javelots, serpes, casques ou éléments de parures comme des perles ou des fibules signent quant à eux un statut social de guerrier. Les autres éléments de remplissage sont un apport de terrain naturel.
Ces puits à sections rectangulaires ou carrées allant de 7 à 17 mètres de profondeur avec des étagements différenciés (dépôts organisés et zones de comblements) permettent de distinguer le plus souvent quatre niveaux. Au fond, on retrouve une zone dévolue aux offrandes avec un positionnement particulier – sorte d’organisation répétitive – pour les objets, disposition verticale ou horizontale des vases, les récipients métalliques sont souvent inversés (casques, mobilier métallique ou en céramique). Le fait qu’ils soient entiers, agencés, montre qu’ils n’ont pas été jetés ; sur certains mobiliers on retrouve des bris intentionnels (en V sur la lèvre ou sur la panse) et des traces d’utilisation. Les seaux ont la particularité d’être en bois d’if, arbre de la famille des conifères non résineux. C’est un bois qui se prête bien à la taille, car il a la particularité d’être dur et homogène. Associé à la mort depuis la préhistoire en raison de sa toxicité, il était, pour les Celtes, sacré et symbolisait le lien entre les vivants et les morts. Cette essence se retrouve toujours dans les cimetières du fait de son exceptionnelle longévité. Les seaux ont, de plus, toujours été trouvés dans des zones funéraires et disposés retournés. On constate cependant que, dans notre région, nous n’avons pas ou peu retrouvé de nécropoles ou d’indice de sépultures pour cette période.
Provenance
Retrouvé en fouille dans le puits ST41 sur le plateau de l’Ermitage ; collection de Jean Amouroux, 1992-2007 ; dation à l’Etat au profit du musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye, 2007 ; dépôt du musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye au musée des Beaux-Arts, Agen, 2009
Expositions
- Au temps des Gaulois, l'Aquitaine avant César, Bordeaux, Musée d'Aquitaine, 14 septembre 2012- 17 mars 2013, cat. p.71
- La voie de Rome, entre Méditerranée et Atlantique, Bordeaux, Archéopôle d’Aquitaine, 22 octobre 2008-30 mars 2009 ; musée Saint-Raymond, Toulouse, musée des Antiques de Toulouse, 6 mai-8 novembre 2009
- Gaulois des Pays de Garonne, IIe- Ier siècle avant J.-C., musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, Toulouse, 22 mai 2004-9 janvier 2005 ; Agen musée des Beaux-Arts, Eglise des Jacobins, 2 avril-19 septembre 2005, cat. p.36-41 et p. 51-59
Localisation
Rez-de-chaussée
Dernière mise à jour : 18 janv. 2021