Le Minotaure
©ADAGP Paris, 1970 / photo : Musée des Beaux-Arts d'Agen
Le Minotaure
©ADAGP Paris, 1970 / photo : Musée des Beaux-Arts d'Agen
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Le Minotaure

FRANÇOIS-XAVIER LALANNE (Agen, 1927-Ury, 2008)

Le Minotaure, thème récurrent de la mythologie grecque, est un prétexte pour laisser libre cours à l’imaginaire facétieux de François-Xavier Lalanne (1927-2008) et permettre à l’artiste d’exprimer son goût pour le monde animalier sur un mode ludique. Il crée un bestiaire soumis aux contraintes de la forme et aux fantaisies de l’invention, comme le rapporte son épouse Claude Lalande : « […] il rêve tout éveillé et nous convie à faire de même devant sa sculpture terminée ».

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste FRANÇOIS-XAVIER LALANNE (Agen, 1927-Ury, 2008)
Titre Le Minotaure
Date 1970
Domaine Objets d'art
Technique Tôle de fer calaminée
Dimensions H. 2.02 m - L. 0.62 m -
Numéro d'inventaire 77.1.1
Sujet / Thème Mythologie gréco-romaine, mobilier

Le Minotaure, un rêve éveillé

L’histoire du Minautore est racontée par Ovide dans ses Métamorphoses (VIII, 130) : Minos, roi de Crète,  voulant légitimer son accession au trône, prie le dieu Poséidon de lui offrir un taureau qu’il sacrifiera en son honneur. Minos se rétracte et préfére garder le magnifique taureau. Il choisit de tromper la divinité en sacrifiant un autre animal. Offensé, le dieu se venge et punit le roi : il fait naître une passion contre-nature entre son épouse, Pasiphaé, et l’animal. Suite aux supplications de la reine, Dédale, inventeur au talent exceptionnel, imagine une vache de bois pour inviter la souveraine à s’y dissimuler pour assouvir cet amour. De cette union naît Asturion, un Minotaure, bête hybride au corps d’homme et à la tête de taureau. Horrifié par ce monstre sanguinaire, Minos l’emprisonne dans un labyrinthe imaginé par l’architecte Dédale.

François-Xavier Lalanne revisite l’un des  thèmes les plus scabreux de la mythologie en redonnant une humanité au monstre emprisonné. Œuvre iconique du sculpteur, le Minautore s’offre à nous, sans arme et dénué d’une quelconque violence. En atteste une représentation très humaine de son corps aux membres déliés, les bras ballants, les mains menues, presque fémininines qui étonnent chez une telle créature, comme si l’artiste avait voulu lui rendre une âme. Le torse d’homme, surmonté d’une tête de taureau, est complété par le corps d’un centaure rompant alors avec le récit initial par l’association de deux animaux mythologiques. Une queue, à l’extrêmité en forme de coquille d’escargot, s’enroule au-dessus du dos de l’animal et ajoute une pincée de pittoresque à l’apparence de la créature.

En 1998, l’œuvre est prêtée pour l’exposition rétrospective Les Lalanne (Musée des Arts décoratifs, Paris, 18 mars 2010-4 juillet 2010, p. 88). A cette occasion, la ville d’Agen accepte que le couple Lalanne réalise un moulage du Minotaure afin de conserver un exemplaire en bronze de cette sculpture originale en tôle. En remerciement, ils offrent à la ville d’Agen, la sculpture du Wapiti, exposée dans le jardin public Jayan.

« […] Le Minautore trône seul à l’entrée de la demeure. C’est un clin d’œil personnel à celui que je possède dans ma maison de Southampton. Le mien veille avec bienveillance et autorité sur la magnifique fontaine que Claude a faite pour moi. »,  explique François-Xavier Lalanne.

De monstre terrifiant, le Minautore devient le gardien du jardin d’Eden, le havre de paix, l’univers onirique créé par le couple de sculpteurs dans sa propriété à Ury (Seine-et-Marne).

Délicatesse du dessin et rigueur de la forme

François-Xavier Lalanne réalise l’équilibre absolu des lignes épurées et des volumes aux proportions parfaites. Telles les sculptures égyptiennes, empreintes de noblesse et de hiératisme, les œuvres de François-Xavier Lalanne,  simples et majestueuses, s’offrent à l’oeil du visiteur à la fois impressionné et émerveillé.

L’artiste s’inscrit dans la tradition des grands sculpteurs animaliers. Il explore différemment le registre de la sculpture, il l’analyse, le soumet à son espièglerie et réalise un univers étonnant, sans pour autant céder à la finesse du dessin et à la rigueur des formes, héritages des grands maîtres.

Inclassable, l’art de François-Xavier Lalanne est le fruit d’une méditation où la précision et le manque d’improvisation le distinguent de l’œuvre de son épouse la sculptrice Claude Lalanne. Il respecte toujours scrupuleusement la même méthode. Toute réalisation commence par une étude préliminaire très minutieuse de l’anatomie du sujet qu’il souhaite exécuter, allant même parfois jusqu’à visiter un parc zoologique pour parfaire son analyse, avec la prise de nombreuses photographies, la constitution d’une véritable documentation et l’étude des postures de l’anatomie de son sujet. Attitude, allure en mouvement et au repos, l’artiste matérialise tout par des dessins au tracé rapide, tentant de parvenir à la vérité « cubique » de la masse qu’il modèle afin d’en retenir tous les points de vue nécessaires. Le choix du matériau fait également l’objet d’une grande réflexion car là réside, selon les propres mots de l’artiste, « l’ambiance de la chose ». François-Xavier Lalanne dessine tout d’abord une esquisse contenant déjà tous les détails de l’œuvre achevée.  Ce croquis est mis ensuite au carreau, puis agrandi sur papier quadrillé. Il réalise une armature en volume avec du fil de fer puis il découpe des patrons en papier qu’il installe sur l’emplacement destiné aux feuilles aux dimensions de l’original en métal. Ces formes en papier sont détourées par le sculpteur sur des plaques métalliques qui sont martelées, forgées jusqu’à obtention de la figure souhaitée. L’artiste procède enfin à la touche finale, l’assemblage méticuleux par soudure. Apparait alors un animal aux formes majestueuses et épurées dont les traces de soudure, laissées apparentes, témoignent des étapes de sa création.

Un bestiaire poétique aux formes élégantes décliné en objet usuel

La sculpture Le Minotaure de François-Xavier Lalanne s’inscrit dans la série du bestiaire « utilitaire » réalisée par l’artiste. Il parle ainsi de ses œuvres qui « ne sont pas des meubles, ne sont pas des objets, ce sont des sculptures ayant... une forme d'utilité. Une utilité quelquefois, quelque part ? Et parfois pas du tout… ». Possédant un tiroir intégré dans son abdomen, Le Minotaure appartient à ce nouveau genre de sculpture-mobilier détaché de toute classification artistique.

Né à Agen dans une demeure mitoyenne au musée des Beaux-Arts, François-Xavier part étudier à Paris où il s’inscrit à l’Académie Julian. S’il est fortement impressionné par François Pompon (1855-1933) qui modernise la sculpture animalière en lui conférant une ampleur dans l’étude des formes, il trouve surtout des sources d’inspiration dans l’univers de Constantin Brancusi (1876-1957), dont il fréquente l’atelier. François-Xavier Lalanne sait relever le défi face aux grands maîtres de la scuplture animalière. Il crée son propre univers, toujours en quête d’exploration, laissant libre cours à son humour espiègle. Sa démarche narrative repose sur une insasiable curiosité et une capacité à toujours s’interroger.

Le pouvoir des mots l’invite à bousculer plastiquement les principes établis.

François-Xavier Lalanne invente un univers où les sculptures deviennent utiles, suivant leur disposition initiale. La fonction du bestiaire est à la fois tributaire de la forme mais aussi des caprices de la création artistique. La subtilité réside dans la sculpture elle-même qui se dévoile progressivement, ne laissant apparaître sa fonctionnalité que dans un second temps, l’utile prenant alors le pas sur l’inutile.

« Les gens ont des intérieurs ennuyeux. Il n’y a pas de raison et les artistes ne doivent pas l’être. […] Cela m’amuse de mettre une dimension utilitaire dans la sculpture. On a trop sacralisé l’art en occident. Le fait de donner un usage à une sculpture lui restitue un caractère familier et la descend un peu de son piédestal. Les anciens ne pouvaient pas penser à une œuvre d’art sans penser à son utilité », explique l’artiste.

Le bestiaire créé par François-Xavier Lalanne est un monde aux dimensions multiples et aux fonctionnalités inattendues qu’il va décliner sous toutes les formes : Les Polymorphoses, titre qu’il donne à la série de lithographies qu’il réalise en 1978 dans laquelle il cultive la dualité des images, invitant le spectateur à une double lecture.

Il crée le Rhinocéros qui devient secrétaire (1964) avant d’être décliné et désossé pour se transformer en assise en 1971. Le Babouin cheminée (1973) voit son ventre transformé en foyer. L’Âne obtient ses lettres de noblesse et devient secrétaire en référence au secrétaire dos d’âne en vogue au XVIIIe siècle. Les Autruches (1966) dissimulent un bar sous leurs ailes.  L’Hippo I (1968), en plastique bleu turquoise, renferme dans son dos une vraie baignoire et sa gueule est revisitée en lavabo.

« Le monde animal offre un répertoire infini de formes liées à une symbolique universelle. Les enfants comme les adultes peuvent y être sensibles. Et tout ce que je fais est destiné à être utilisé », François-Xavier Lalanne.

Provenance

Achat du musée des Beaux-Arts, Agen, 1977

Expositions

  • Picasso, l’atelier du Minotaure, Évian-les-Bains, Palais Lumière, 30 juin-7 octobre 2018, p.193
  • Les Lalanne, Paris,  musée des Arts décoratifs, 18 mars 2010-4 juillet 2010, p.88
  • L’action pensive II, Villeneuve-sur-Lot,  musée de Gayac, 22 février-20 avril 2008
  • Labyrinthes  du mythe au virtuel, Paris, Bagatelle, parc, 4 juin-14 septembre 2003
  • Mont-de-Marsan Sculpture (exposition hors les murs, dans la rue), Mont-de-Marsan, 7-23 mai 1994
  • Les Lalanne à Bagatelle, Paris, Bagatelle, 12 mars- 2 août 1976

Localisation

2e étage

Dernière mise à jour : 23 avr. 2021

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