Vénus de Tayrac
©Alban Gilbert
Vénus de Tayrac
©Alban Gilbert
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Vénus de Tayrac

ANONYME

Le corps en albâtre de la statuette a été découvert près du village de Tayrac (Lot-et-Garonne) avant 1880, date de son entrée au musée. Il faut attendre 1921 pour que la tête en marbre soit retrouvée non loin du lieu de découverte du corps. Encore privée de ses bras, elle témoigne de la préciosité des productions, avec l’utilisation ici d’une association de matériaux très rare. Sa découverte laisse présager le prestige des propriétaires, du culte impérial pratiqué dans les demeures patriciennes et de la superposition d’une iconographie éculée avec le portrait divinisé de la fille d’un empereur.

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste ANONYME
Titre Vénus de Tayrac
Date 193
Domaine Sculpture
Technique Taille, albâtre d’Etrurie, marbre de Carrare
Dimensions H. 0.34 m - l. 0.1 m -
Numéro d'inventaire 130 A3
Sujet / Thème Rome, Vénus, portrait impérial

Un portrait en Vénus

Sortis de terre séparément, le corps et la tête empruntent un parcours différent. Le premier, dont la date de découverte demeure inconnue, fait l’objet d’un don au musée des Beaux-Arts en 1880 par le maire de Tayrac, Pierre Mourgues. La tête, propriété de M. Rodes, est acquise en 1958 par la direction des Musées de France, aujourd’hui Service des musées de France, et déposée aussitôt par le musée du Louvre au musée des Beaux-Arts d’Agen en 1959. Le mobilier archéologique issu de cette zone comprend des débris de colonnes et de placage de marbre qui appartenaient à un édifice, probablement une villa d’après le contexte rural. Il semblerait que des tesselles de mosaïque aient été également retrouvées non loin de cette zone. L’absence de fouilles archéologiques incite cependant à la prudence.

La statuette est composée d’un portrait féminin associé à une représentation de Vénus. Le portrait, en marbre de Carrare, est celui d’une femme juvénile, les joues et le bas du visage charnus, les yeux creusés d’un iris et d’une pupille qui orientent le regard vers la droite du personnage. Elle porte une coiffure crantée descendant jusqu’à mi-cou qui couvre entièrement les oreilles. Les cheveux forment à l’arrière un chignon de tresses de forme circulaire. Le corps, en albâtre, représente une Vénus dite Genetrix, ce qui signifie Mère. Elle est entièrement vêtue d’une robe ou tunique appelée chiton, ceinturée à la taille, aux manches longues boutonnées. Un manteau appelé himation couvre le dos, l’épaule et le bras gauches, tandis qu’un pan tiré et plié en boucle est posé sur l’épaule droite (Schulterbausch). L’attitude à peine hanchée (contrapposto) anime d’une légère sinuosité la figurine un peu figée.

Une œuvre unique en Gaule

Le choix des matériaux utilisés, le format miniature et la qualité d’exécution de cette statuette en font un objet rare et précieux. Ils ont rapidement orienté les chercheurs vers l’identification d’un portrait impérial. Le marbre blanc est le matériau privilégié pour la représentation impériale, même s’il est avéré par les textes que le bronze était le matériau préféré des Romains, mais peu de ces portraits nous sont parvenus car il a été récupéré de façon quasi systématique. L’emploi de l’albâtre est en revanche rarissime, que ce soit pour un portrait impérial ou privé ou pour de la statuaire idéale. Dans les Gaules, la figurine de Tayrac est le seul portrait impérial réalisé dans cette matière.

L’étude de la coiffure permet de le dater de la fin du IIe siècle ap. J.-C., période de transition entre la dynastie antonine finissante et le début d’une longue période d’anarchie qui voit le pouvoir passer d’un empereur à un autre à une allure effrénée. La comparaison avec des portraits monétaires de cette époque autorise à reconnaître dans le portrait de Tayrac la fille de l’empereur Didius Julianus, qui règne durant deux mois seulement en 193, Didia Clara, pour laquelle aucun portrait statuaire n’a pour l’instant été identifié avec certitude.

Le corps renvoie au modèle d’une Vénus Genetrix grâce à la caractéristique de l’épaule dénudée. Elle est issue d’un mélange de deux types statuaires : la Vénus Genetrix créée pour le temple du forum de Jules César, connue grâce à la copie trouvée à Fréjus et conservée au musée du Louvre (inv. MA525), et la Vénus Genetrix créée pour le temple de Mars Ultor du forum d’Auguste.

Le terme Genetrix met l’accent sur le rôle de la déesse en tant que protectrice du mariage et de la fécondité du couple. En associant un portait impérial à une Vénus Genetrix, la statuette transmet un message politique fort. Les femmes de la famille impériale doivent perpétuer la dynastie afin de garantir l’équilibre de l’Etat.

Si l’identification du contexte archéologique se confirme, cette statuette serait un des rares exemples de la présence d’un portrait impérial miniature en milieu privé. On dénombre en effet seulement six portraits impériaux de petit format retrouvés dans les Gaules, la Vénus de Tayrac étant la plus petite d’entre eux. Sur l’ensemble des portraits impériaux trouvés dans ce même territoire, tous formats confondus, seuls deux peuvent être rattachés de façon certaine à un contexte privé, les portraits de Drusus le Jeune et de Marc Aurèle de la villa de Lamarque à Castelculier. Six autres portraits pourraient peut-être s’ajouter à cette liste mais leur contexte de découverte demeure incertain comme pour la statuette de Tayrac.

Une autre incertitude demeure sur sa fonction. Servait-elle d’objet de culte ? Etait-elle un signe de l’attachement affectif et religieux du propriétaire à la famille impériale ? Ou bien un signe d’allégeance et de loyauté ? Il est impossible aujourd’hui de répondre à ses questions mais la présence de l’image impériale sur différents supports et des objets modestes de la vie quotidienne porte à croire qu’elle avait une valeur protectrice et bienfaisante.

Provenance

Découverte près de Tayrac (Lot-et-Garonne, France), figurine avant 1880, tête en 1921 ; figurine : don de M. Pierre Mourgues maire de Tayrac, en 1880 au musée des Beaux-Arts d’Agen ; tête : achat en 1958 pour le musée des Beaux-Arts d’Agen à M. Rodes par la direction des Musées de France ; dépôt du musée du Louvre au musée des Beaux-Arts d’Agen en 1959.

Expositions

  • L’empereur romain, un mortel parmi les dieux, musée de la Romanité, Nîmes, 12 mai-19 septembre 2021, n° 142
  • Exposition universelle de 1900, exposition rétrospective de l’art français des origines à 1800, musée du Petit Palais, Paris, n° 4611 (statuette alors acéphale)

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Vidéo

[Œuvre actuellement en restauration]

Cécile Carrier,

Docteure en histoire de l'art et archéologie,

Sculpture et iconographie de l'Antiquité romaine

Localisation

Rez-de-chaussée

Dernière mise à jour : 07 nov. 2023

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