Statue masculine acéphale en toge (togatus)
©Alban Gilbert
Statue masculine acéphale en toge (togatus)
©Alban Gilbert
4009

Statue masculine acéphale en toge (togatus)

ANONYME

L’œuvre a été découverte dans le centre d’Agen à l’occasion des travaux de construction du marché couvert (1882), place Jean-Baptiste Durand. Réalisé dans un marbre vraisemblablement plus fin, le portrait, aujourd’hui disparu, avait été sculpté séparément par un praticien plus habile à reproduire les traits du personnage ; le cou, dont le bas était taillé en forme de cône, s’adaptait très exactement à la cuvette creusée entre les épaules et dont s’est conservé le fond, très légèrement piqueté pour faciliter l’adhérence du lait de chaux qui fixait la tête sur le corps.

Détails

Fiche technique de l'oeuvre
Artiste ANONYME
Titre Statue masculine acéphale en toge (togatus)
Date Ier siècle après J.-C. (vers 40-50)
Domaine Archéologie
Technique Ronde bosse
Dimensions H. 1.57 m - L. 0.63 m -
Numéro d'inventaire 262 A1 ; AVEC 8657
Sujet / Thème Statue honorifique, homme, toge

La toge romaine

Partout dans l’Empire, comme à Rome, la toge distingue le citoyen romain (civis Romanus) des étrangers nés libres (pérégrins) et des esclaves ; elle est portée dans l’espace public, avec d’autant plus de fierté, voire d’ostentation dans les provinces, que l’acquisition de cette citoyenneté est récente. C’est donc de la toge que sont revêtues les statues honorifiques dressées, sur le forum et en divers lieux fréquentés de la ville (basilique, curie, théâtre, thermes), aux élites municipales et aux citoyens méritants.

Le drapé complexe de cet ample vêtement, taillé dans une pièce de laine demi-circulaire disposée en deux épaisseurs et porté au-dessus de la tunique, nécessitait souvent l’aide d’un membre de la famille ou d’un esclave pour que les plis tombent le plus élégamment possible à la place qui leur était dévolue. Les différentes parties de la toge portent les noms de balteus (« baudrier », pour l’élément qui enserre la taille, sous le bras droit), umbo (« bosse », pour celui qui est rabattu sur le balteus et forme presque un nœud avec lui), sinus (« courbure, creux », pour l’arrondi qui descend jusqu’à hauteur du genou) et lacinae (« bout, pan de vêtement », pour les deux extrémités – dont l’une retombe dans le dos à mi-mollet et, l’autre, à l’avant, touche le sol ; il était même courant, et de bon ton, de laisser cette seconde lacinia traîner au sol : Suétone rapporte que Caligula, s’étant emporté contre le public qui avait acclamé trop chaleureusement un gladiateur, avait si brusquement quitté l’amphithéâtre qu’il avait marché sur sa lacinia et était tombé, la tête la première, au milieu des gradins…).

Les plus anciennes attestations d’une forme de vêtement différente de l’étroite toge de l’époque républicaine (toga exigua) qui emprisonnait le bras droit apparaissent à l’ara Pacis Augustae (13-9 avant J.-C.) pour la plupart des sénateurs dont le cortège occupe les longs côtés nord et sud du monument romain. Libérant le bras, cette toge de l’époque impériale utilise davantage de tissu et permet une gestique plus souple, dont les orateurs tireront le meilleur parti. L’avant-bras droit de la statue agenaise était rapporté, comme en témoigne la rouille du tenon qui le fixait dans une mortaise circulaire. L’avant-bras gauche, très vraisemblablement rapporté lui aussi, maintenait le grand pan inférieur de la toge relevé pour qu’il n’entrace pas les pieds. Le sinus descend jusqu’au genou, qu’il recouvre entièrement ; l’umbo, en U très arrondi au-dessus d’un large balteus, est recreusé, comme celui-ci, de profonds sillons de trépan qui confèrent un relief tout particulier à cette partie du vêtement. Sur l’épaule gauche, le bord de la toge est animé de fines ondulations quelque peu « maniéristes ». On relèvera aussi le dessin des plis en boucles parallèles formés, au-dessus du balteus, au creux du bras droit ; d’autres togati en offrent également l’exemple, vers le milieu du Ier siècle de notre ère.

Parallèles typologiques et datation

Les parallèles les plus proches, tant pour la forme ou l’importance de ces différents éléments que du point de vue du style, sont la statue de C. Fundilius Doctus, provenant du sanctuaire de Diane à Neli, aujourd’hui à la Glyptothèque de Copenhague, celle de Néron enfant, provenant de la basilique de Velleia, au musée de Parme, et une statue acéphale du Vatican, provenant du théâtre de Cerveteri où elle a été retrouvée avec un groupe statuaire julio-claudien, toutes œuvres généralement datées du début du règne de Claude. En Gaule même, et dans cette même province d’Aquitaine, un togatus acéphale de Bordeaux, mis au jour avec quelques dédicaces à des membres de la famille impériale (Drusus III, fils de Germanicus ; Claude) fournit, à son tour, un excellent document de comparaison. On privilégiera donc une date proche des années 40-50 de notre ère.

Les chaussures de cuir fin dont le col est retroussé sur l’empeigne caractérisent, quant à elles, les membres de l’ordre équestre. La statue mise au jour en plein centre d’Agen (sur le forum ?) figurait un haut fonctionnaire impérial de la province d’Aquitaine ou un notable local qui avait accédé à cet ordre. Si l’on en juge également par la qualité de la sculpture et l’utilisation d’un marbre d’importation, ce devait être une importante personnalité. On regrettera qu’aucune inscription (dédicace honorifique ou autre) n’ait été retrouvée avec la statue qui eût permis d’envisager son statut, voire d’en découvrir l’identité.

Curieusement, la capsa cylindrique qui contient les rouleaux des décrets administratifs et connote la fonction du personnage représenté n’est qu’assez sommairement ébauchée (traces de gradine) ; on en jugera aisément par comparaison avec celle d’un second togatus du musée.

Bibliographie

MOMMEJA 1909, pp. 45-46, n° 30 ; ESPERANDIEU 1908, p. 461, n° 1712, fig. ; CAG

Expositions

Imaginaire des ruines, Villeneuve-sur-Lot, Musée de Gajac, 30 janvier-19 avril 2009

Jean-Charles Balty, historien de l’Antiquité romaine, Émérite de Sorbonne Université, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Localisation

Rez-de-chaussée

Dernière mise à jour : 02 déc. 2022

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