Des sculptures dans la rue, Claude et François-Xavier Lalanne

Redécouvrez Des sculptures dans la rue, Claude et François-Xavier Lalanne, une exposition qui s’est tenue du 15 juin au 29 octobre 2000 au musée des Beaux-Arts et dans les rues d’Agen.

Des sculptures dans la rue, Claude et François-Xavier Lalanne

Pendant toute la durée de l’exposition, 11 œuvres ont été disséminées dans les rues d’Agen tandis qu’une salle du musée des Beaux-Arts présentait d’autres sculptures en bronze, des esquisses en plâtre et des gravures de ce couple d’artistes mythique.

Issu d’une famille descendant vraisemblablement d’une lignée de mariniers gascons, François-Xavier Lalanne est né en 1927 au 6 rue des Juifs à Agen. Dès l’adolescence, il choisit la peinture. Il s’installe à Paris pour suivre les cours de l’Académie Julian. Embrassant la carrière de peintre à laquelle il s’est préparé, François-Xavier décide, en 1949, de sous-louer, à Montparnasse, au 11 de l’impasse Ronsin, son premier atelier. Il sera mitoyen de celui de Brancusi. Dans cette petite cité d’artistes, François-Xavier pénètre au quotidien dans l’atelier sanctuaire du vieux maître y côtoyant les bronzes rutilants des Oiseaux, du Phoque ou des Colonnes sans fin. A l’atelier, il peint paysages et portraits. C’est l’époque où apparaissent Buffet, Vasarely, Staël, Bazaine… En 1952, il rencontre Claude. A partir de cette date, leur destin artistique est inséparable. Plus qu’un vrai travail à quatre mains, c’est un conte à deux voix, comme celui des Delaunay ou des Arp.

Née à Paris, Claude est élevée par une mère musicienne et un père courtier en or. Dans le pavillon familial de Colombes, Claude est fascinée par le laboratoire aménagé au sous-sol où son père s’adonne à de savantes manipulations, sur un four de fortune, cherchant la mythique pierre philosophale par la transmutation des métaux. Douée pour le dessin, elle suit divers enseignements notamment chez le peintre Desnoyer et le sculpteur Robert Courtin.

A partir de 1956-1957, les Lalanne travaillent à différents décors. François-Xavier a l’esprit pratique, Claude l’imagination souple. En quelques années, ils acquièrent une première notoriété. Ils réalisent notamment deux grands chevaux de cuivre pour le ballet La Damnation de Faust, monté à l’Opéra de Paris par Béjart, des décors pour la télévision et le cinéma, à la demande de Vadim, Dhéry, ou Broca. Ils continuent de travailler dans l’atelier de l’Impasse Ronsin. Dans les ateliers mitoyens défilent Max Ernst, Jean Tinguely et Eva Aeppli, Daniel Spoerri, Niki de Saint-Phalle.

Curieuse d’expérimentations, Claude va progressivement mettre au point sa technique. S’essayant d’abord à l’empreinte par électrolyse, elle réalise des moulages de tout ce qui l’inspire : les fleurs de son jardin ; la jambe de François transformée en Mercure ; le ventre de sa fille Caroline… Sans oublier les choux, ces choux de fabliau où naissent les enfants et les petits-enfants de Claude. Au début des années 60, son travail sur l’empreinte questionne beaucoup le corps (lèvres, doigts, seins, hanches, …) comme d’autres artistes de l’époque : Bruce Nauman aux États-Unis, Yves Klein en France. Dans ses créations, elle ravit les amateurs d’un surréalisme qui revient alors farouchement à la mode. Claude s’approprie la technique de la galvanoplastie, mise au point par un physicien bolonais au XVIIIe siècle. La pièce à galvaniser est plongée dans un bain d’acide sulfurique et de sulfate de cuivre. Selon les courants de l’électrolyse, elle disparaît en tant que telle, bientôt parée d’une fine couche de cuivre. Cette nouvelle peau conserve à la forme qui en résulte la nervosité de la matrice en accentuant le génie capricieux de sa métamorphose. Claude peut alors affiner, compléter, ciseler l’empreinte du métal.

Dès le XIXe siècle, Delacroix, Géricault ou Barye réalisent des anatomies puissantes et réalistes d’animaux. Au XXe siècle, des artistes comme Pompon, Brancusi et Giacometti exploreront ce thème. La recherche de François-Xavier est nouvelle et originale. Pleine d’espièglerie, sa vision transforme l’animal en objet utilitaire, jouant parfois sur les mots. Le Rhino-crétaire est un rhinocéros qui sert de secrétaire. Le Minotaure du musée d’Agen peut servir de meuble de rangement. Le bestiaire recréé par François-Xavier Lalanne pourrait reprendre le joli nom, inventé en 1978, de Polymorphoses, puisqu’il se multiplie en formes et en usages inopinés autant que facétieux. Depuis les années 80, l’attention de François-Xavier s’est concentrée sur la représentation d’animaux à l’état de sculpture proprement dite : la Grande ourse, le Wapiti, le Roitelet, les Oiseaux branchés… Pour l’exécution de ces grandes sculptures, la méthode est toujours la même : François-Xavier dessine d’abord une esquisse. Il fabrique ensuite aux cotes une armature en volume avec du fil de fer et découpe des patrons de papier qu’il dispose à l’emplacement des futures feuilles de métal. Il détoure alors ces formes sur des plaques de cuivre, fer, etc., qui sont martelées, battues, forgées, jusqu’à complétion de la forme. L’assemblage minutieux par soudures précède la touche finale. L’allure de l’animal aux courbes sinueuses, épurées, est simple et majestueuse. Certaines statures sont saisies à l’arrêt, entre deux fractions de temps.