Keita Egami, psychedelic baroquism

Redécouvrez Keita Egami, psychedelic baroquism, une exposition qui s’est tenue du 2 septembre au 2 octobre 1995 au musée des Beaux-Arts d’Agen.

Keita Egami, psychedelic baroquism

Cette exposition a été réalisée en collaboration étroite avec l’association Pollen qui, établie à Monflanquin (Lot-et-Garonne) depuis 1991, contribue à valoriser la jeune création contemporaine en proposant des résidences d’artistes. Tout au long de l’année, des plasticiens européens y sont accueillis. Chaque été, un artiste japonais est également reçu permettant ainsi à l’association de renforcer sa vocation internationale. En 1995, les œuvres de Keita Egami sont exposées au musée d’Agen suite à sa résidence à Monflanquin.

« Keita Egami est un artiste de la forme et de la couleur. Cette affirmation, qui peut sembler une évidence pour un plasticien, inscrit le travail de cet artiste japonais dans une histoire de l’art et un processus bien particulier. Les assemblages peints ou les installations qu’il réalise ne cherchent pas leur vérité dans l’ordre de la représentation ou de l’humanité. C’est un système visuel qui se développe froidement et implacablement, dans une logique de signes objets, qui se répètent ou se complètent. Ces signes de forme géométrique, comme dans un langage, se réitèrent dans des combinaisons variées où chaque œuvre constitue un exemple de l’énoncé de base. La présence du travail est d’abord un effet global, par rapport auquel l’œuvre unique n’a de sens que dans une série, et la série s’inscrit dans un espace. Cette recherche de l’œuvre d’art comme valeur formelle du langage, inscrit le travail de Keita Egami dans une tradition plus occidentale qu’asiatique. Ses œuvres de reliefs sculptés et peints font certes penser à l’art de l’origami japonais, mais fondamentalement. Keita refuse toute référence à un aspect décoratif, et se sent plus proche d’une certaine tradition de l’art occidental, en particulier conceptuel, Mondrian, Daniel Buren, Donald Judd sont en partie ses références.

Le travail qu’il a effectué durant sa résidence de deux mois dans le Lot-et-Garonne se compose de 14 pièces formées d’un assemblage de volumes géométriques (triangles, trapèzes, polygones). Ces modules de base au nombre de 15 sont composés sur la base de la section d’or. Ce choix n’est pas déterminé par une vision de proportions, mais constitue une base arbitraire à partir de laquelle se développent les modules. Les assemblages sont ensuite peints dans des couleurs très contrastées avec un jeu de transparences, laissant apparaître la matière.

Le titre de la série réalisée s’appelle « Psychedelic Baroquism ». Ce titre anglais contient tout le sens que Keita veut donner à son travail. Ces deux notions font appel pour l’une « Baroquism » à un mouvement artistique du XVIIIe siècle et pour l’autre « Psychedelic » à une référence musicale des années 60.

En découvrant les œuvres de Keita, ce n’est pas l’idée du baroque qui vient à l’esprit immédiatement. En effet, ces formes découpées et peintes se rapprocheraient plutôt du minimalisme dans cette idée que le moins est le plus. Ce n’est ni un art de l’exubérance, ni un art de l’illusion comme peut l’être l’art baroque. Et pourtant, son travail retrouve un certain esprit baroque dans cette manière de construire un système dont chaque élément est un détail de l’ensemble. Les œuvres de Keita ne prennent leur sens qu’une fois mises en place dans l’espace. C’est bien cette question de l’organisation de l’espace et du détail dans l’espace qui détermine ce jeu baroque. Ces volumes géométriques colorés s’animent une fois qu’ils sont installés au sol ou au mur. L’œuvre donne à lire l’espace, et l’effet visuel de l’œuvre se multiplie quand elle est installée dans un contexte.

La notion psychédélique renvoie aussi à un univers de l’exubérance. Mais, encore une fois, cette référence musicale réveille plutôt chez Keita une forme d’ouverture d’esprit totale au moment de la conception. Aucune limite formelle ou picturale n’est imposée. Le développement des choix de base (modules et couleurs) peut se multiplier à l’infini. C’est pourquoi le résultat visuel de ses pièces donne un effet d’extrême complexité des formes, remettant en question notre équilibre visuel et parfois même sonore. Car ces formes psychédéliques offrent aussi des contrastes de couleurs d’une pièce à l’autre. L’utilisation de pigments argent dans la couleur crée en plus un effet de brillance et parfois de transparence dont le mouvement est semblable à celui d’un vertige sonore.

Cette extrême complexité de la forme et de la couleur se lit pourtant de manière très légère. Aucun symbolisme ne vient perturber le rapport physique à l’œuvre. Le volume est harmonieux, s’ouvrant souvent en angle aigu et évite des ouvertures énormes au niveau des formes. Enfin la matière picturale est presque toujours transparente.

Bel exercice de pureté formelle…» (Yannick Lintz dans Keita Egami, catalogue édité dans le cadre de la résidence de l’artiste à Pollen, 1995)